Matériel de lecture crise alimentaire
Les contradictions du système alimentaire mondial
Esther Vivas
Le modèle alimentaire actuel, tout au long de sa chaîne du producteur au consommateur, est soumis à une forte concentration, monopolisé par une série de corporations agro-alimentaires transnationales qui font passer leurs intérêts économiques avant le bien public et la communauté. Le système alimentaire ne correspond plus aujourd’hui aux besoins des individus ni à la production durable basée sur le respect de l’environnement. C’est un système dont l’ensemble du processus est enraciné dans la logique capitaliste — la recherche du profit maximum, l’optimisation des coûts et l’exploitation de la force de travail. Les biens communs comme l’eau, les semences, la terre, qui depuis des siècles appartenaient aux communautés, ont été privatisés, spoliés des mains du peuple et transformés en une monnaie d’échange à la merci du plus offrant….
Face à ce scénario, les gouvernements et les institutions internationales se sont ralliés aux desseins des sociétés transnationales et sont devenus les complices, sinon les bénéficiaires secondaires, d’un système alimentaire productiviste, non durable et privatisé. La prétendue « préoccupation » de ces gouvernements et institutions (le G8, l’Organisation mondiale du commerce, la Banque mondiale, etc.), face à l’augmentation du prix des denrées alimentaires de base et de son impact sur les populations les plus défavorisées du Sud (1), ne fait que montrer leur profonde hypocrisie en présence d’un modèle alimentaire qui leur offre d’importants avantages économiques. C’est un modèle qui est aussi employé comme un instrument impérialiste de contrôle politique, économique et social de l’ensemble des pays du Sud par les principales puissances du Nord, comme les États-Unis ou l’Union européenne (et par leurs multinationales agro-alimentaires).
Crise alimentaire
La crise alimentaire qui est apparue tout au long des années 2007 et 2008, avec une forte augmentation du prix des aliments de base, met en évidence la vulnérabilité extrême du modèle agricole et alimentaire actuel. Selon la FAO, cette crise alimentaire a réduit à la famine 925 millions de personnes. Comme l’a noté son directeur général, Jacques Diouf, « avant l’augmentation des prix des aliments en 2007, le nombre de personnes sous-alimentées était de 850 millions. Seulement au cours de cette année il s’est accru de 75 millions pour atteindre 925 millions » (2). Un chiffre qui atteindra 1,2 milliard d’affamés en 2017, selon le Département de l’agriculture états-unien (3). Mais en réalité la crise alimentaire actuelle a déjà une incidence directe ou indirecte sur la moitié de la population mondiale, c’est-à-dire plus de 3 milliards de personnes (4).
Car le prix des denrées alimentaires n’a pas cessé de grimper. Selon l’indice des prix des denrées alimentaires de la FAO, ces derniers ont augmenté de 12 % entre 2005 et 2006, de 24 % en 2007 et de près de 50 % entre janvier et juillet 2008. Les données de la Banque mondiale confirment cette hausse : au cours des années 2006-2008 le prix des produits alimentaires s’est accru de 83 %. Les céréales et les autres aliments de base, qui constituent la nourriture de larges secteurs de la population, en particulier dans les pays du Sud (blé, soja, huiles végétales, riz…), ont subi les augmentations les plus importantes. Le coût du blé s’est accru de 130 %, celui du soja de 87 %, du riz de 74 % et du maïs de 31 % (5). Malgré les prévisions favorables de la production des céréales, la FAO estime que les prix resteront élevés au cours des années à venir et qu’en conséquence la majorité des pays pauvres continueront à souffrir des effets de la crise alimentaire (6).
Compte tenu de ces données, il n’est pas surprenant qu’une vague d’émeutes de la faim ait traversé le Sud, car ce sont précisément les produits dont les pauvres se nourrissent qui ont connu la hausse la plus importante. A Haïti, au Pakistan, au Mozambique, en Bolivie, au Mexique, au Maroc, au Sénégal, en Ouzbékistan, au Bangladesh, au Niger… les gens sont descendus dans les rues pour crier « Assez ! ». Certaines de ces révoltes ont provoqué des dizaines de morts et de blessés. Elles ne sont pas sans rappeler celles qui ont eu lieu dans les années 1980 et 1990 dans la Sud contre les politiques d’ajustement structurel imposées par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Un fois de plus, la cause en est l’augmentation du prix des denrées alimentaires, du transport, des services publics… qui a aggravé les conditions de vie de la majorité de la population de ces pays et entravé leur lutte quotidienne pour la survie. L’histoire se répète et les politiques néolibérales laissent derrière elles des millions d’affamés.
Le problème aujourd’hui ce n’est pas le manque de nourriture, mais l’impossibilité de l’obtenir. En fait, la production mondiale de céréales a triplé depuis les années 1960, alors que la population mondiale a seulement doublé (7). Jamais dans l’histoire autant d’aliments n’avaient été produits. Mais pour les millions de personnes qui, dans les pays du Sud, dépensent entre 50 % et 60 % de leur revenu (et même 80 % dans les pays les plus pauvres, alors que dans les pays du Nord on estime ces dépenses entre 10 % et 20 %) pour acheter la nourriture, la hausse du prix des denrées alimentaire les a rendus inaccessibles.
Les causes conjoncturelles
Des causes conjoncturelles permettent d’expliquer en partie l’augmentation spectaculaire des prix au cours des dernières années :
► La sécheresse et d’autres phénomènes météorologiques, liés au changement climatique, ont touché les pays producteurs comme la Chine, le Bangladesh, l’Australie… Ils ont affecté les récoltes et continuent d’avoir un impact sur la production alimentaire ;
► L’augmentation de la consommation de la viande, notamment en Amérique latine et en Asie, en raison d’une modification des habitudes alimentaires (généralisation du modèle de consommation occidental) et du fait de la multiplication des installations pour engraisser le bétail ;
► Les importations de céréales par les pays qui avaient été jusque-là autosuffisants, comme l’Inde, le Viêt Nam ou la Chine, en raison de la réduction des terres agricoles ;
► La réduction des réserves de céréales dans les systèmes nationaux qui ont été démantelés à la fin des années 1990 a contribué à ce que ces pays dépendent désormais entièrement des marchés mondiaux, très volatiles (8).
Tous ces éléments expliquent en partie les causes de la crise alimentaire, mais il s’agit là d’arguments partiels, qui, de plus, ont été employés pour détourner l’attention des causes sous-jacentes (9).
A mon avis deux facteurs conjoncturels ont joué un rôle déterminant dans le déclenchement de la hausse rapide des prix alimentaires : l’augmentation du prix du pétrole, qui s’est répercutée directement et indirectement, et les investissements spéculatifs croissants dans les matières premières. Ces deux facteurs ont déséquilibré le système agro-alimentaire très fragile. Regardons le de manière détaillée.
L’augmentation du prix du pétrole, qui a doublé au cours des années 2007 et 2008, a provoqué une flambée du prix des engrais et des transports. Elle a aussi eu pour conséquence des investissements accrus dans la production des combustibles alternatifs d’origine végétale. Les gouvernements des États-Unis, de l’Union européenne, du Brésil et d’autres encore, ont subventionné la production des biocarburants en tant qu’alternative à la pénurie du pétrole et au réchauffement climatique. Mais cette production de carburants « verts » entre en concurrence directe avec la production alimentaire. Pour ne prendre qu’un exemple, en 2007 aux États-Unis 20 % de la récolte des céréales a été employé pour produire de l’éthanol et on estime qu’au cours de la prochaine décennie ce taux atteindra 33 %. Imaginez cette situation dans les pays du Sud…
En avril 2008, la FAO a reconnu qu’« à court terme, il est très probable que l’expansion rapide de carburants verts au niveau mondial aura des effets importants sur l’agriculture en Amérique latine » (10). Et le détournement de 5 % de la production mondiale des céréales s’est directement répercuté sur l’augmentation de leurs prix. Dans la mesure ou le maïs, le blé, le soja ou les betteraves ont été détournés pour la production des biocarburants, leur offre sur le marché a été réduite et leurs prix ont augmenté en conséquence. Selon diverses sources cet impact a été plus ou moins important, mais toujours décisif : le Département de l’agriculture des États-Unis considère que les biocarburants ont généré un accroissement du prix des céréales d’entre 5 % et 20 % ; l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) considère que ce chiffre atteindrait les 30 % alors qu’une fuite d’un rapport de la Banque mondiale affirme que la production des biocarburants provoquera une augmentation de 75 % du prix des céréales (11).
Une autre cause conjoncturelle à prendre en compte en tant que générateur de cette hausse des prix a été les investissements spéculatifs croissants dans les matières premières, après les krach des marchés de la « nouvelle économie » (ou dot.com) et de l’immobilier. Après l’effondrement du marché des crédits hypothécaires à risque (« subprimes ») aux États-Unis, les investisseurs institutionnels (banques, compagnies d’assurances, fonds de placement, etc.) et d’autres ont cherché des investissements plus sûrs et de plus grande rentabilité pour placer leurs capitaux. Dans la mesure où les prix alimentaires montaient, ils les ont orientés vers les marchés alimentaires à terme, poussant leurs prix vers le haut et aggravant encore l’inflation de ce secteur (12).
Aujourd’hui on estime qu’une part significative des investissements financiers dans le secteur agricole est de nature spéculative. Selon les chiffres les plus conservateurs, il s’agirait de 55 % du total de ces investissements, un volume qui augmente à mesure que la libéralisation de la production agricole s’accroît. Notons aussi une étude de Lehman Brothers de 2008, qui indique que depuis 2003 l’indice de la spéculation sur les matières premières (qui intègre pour 30 % les produits agricoles) a augmenté de 1900 % (13).
Les causes structurelles
Au-delà de ces causes conjoncturelles, il y a des raisons fondamentales qui expliquent la profonde crise alimentaire actuelle. L’application aveugle de la politique néolibérale au cours des trente dernières années à l’échelle mondiale (la libéralisation du commerce à tout prix, le paiement de la dette extérieure des pays du Sud, la privatisation des services et des biens publics...) ainsi qu’un modèle de l’agriculture et de l’alimentation au service de la logique capitaliste sont principalement responsables de cette situation. En fait, nous sommes confrontés à un problème systémique plus profond avec un modèle alimentaire mondial extrêmement vulnérable devant les crises économiques, écologiques et sociales.
Comme le signale Eric Holt-Giménez (14), les politiques de « développement » économique impulsées par les pays du Nord depuis les années 1960 (la révolution verte, les programmes d’ajustement structurel, les traités régionaux de libre-échange, l’Organisation mondiale du commerce et les subventions agricoles dans le Nord) ont conduit à la destruction systématique des systèmes alimentaires.
Entre les années 1960 et les années 1990 nous avons assisté à ladite « révolution verte », promue par divers centres de recherche agricole et les institutions internationales avec l’objectif « théorique » de moderniser l’agriculture dans les pays non industrialisés. Les premiers résultats au Mexique et, plus tard, dans le sud et le sud-est asiatique, ont été spectaculaires du point de vue de la production par hectare, mais cette augmentation du rendement de la terre n’a pas eu d’impact direct sur la diminution de la faim dans le monde. Alors que la production agricole mondiale augmentait de 11 %, le nombre d’affamés augmentait également de 11 %, passant de 536 millions à 597 millions (15). Comme le signalent Rosset, Collins et Moore Lappé (16), « L’augmentation de la production, cœur de la révolution verte, ne suffit pas à soulager la famine car elle ne modifie pas le modèle de concentration du pouvoir économique, de l’accès à la terre ou du pouvoir d’achat. (…) Le nombre de personnes qui souffrent de la faim peut être réduit seulement par la redistribution du pouvoir d’achat et des ressources au profit de ceux qui souffrent de la malnutrition. (…) Si les pauvres n’ont pas l’argent nécessaire pour l’achat de la nourriture, l’augmentation de la production ne leur sert à rien. »
La révolution verte a eu des conséquences collatérales néfastes pour un grand nombre de paysans pauvres et moyens et pour la sécurité alimentaire à long terme. Plus précisément, ce processus a renforcé la domination des corporations de l’agrobusiness sur toute la chaîne de la production, a provoqué la perte de 90 % de la biodiversité et de la diversité agricole, a réduit massivement les nappes phréatiques, a accru la salinité et l’érosion des sols, a déplacé des millions d’agriculteurs de la campagne vers les bidonvilles, a démantelé les système agricoles traditionnels garants de la sécurité alimentaire.
Tout au long des années 1980 et 1990, l’application systématiques des Programmes d’ajustement structurel (17) a encore aggravé les conditions de vie déjà difficiles de la majorité de la population des pays du Sud. Le but principal des PAS était d’assujettir l’économie de ces pays au payement de la dette en y appliquant la maxime « exporter plus et gagner moins ».
Les mesures imposées par les PAS visaient à forcer les gouvernements du Sud :
► à supprimer les subventions aux produits de première nécessitée, tels le pain, le riz, le lait, le sucre… ;
► d’imposer une réduction draconienne des dépenses publiques (éducation, santé, logement, infrastructures…) ;
► de les contraindre à dévaluer leur monnaie, avec l’objectif avoué de baisser le prix des produits exportés, mais qui conduisait également à réduire le pouvoir d’achat des populations ;
► d’augmenter les taux d’intérêt pour attirer les capitaux étrangers par une rémunération forte, créant une spirale spéculative…
Il s’agissait donc d’une série de mesures qui ont plongé dans la misère les peuples de ces pays (18).
Au niveau commercial, les PAS ont promu les exportations en vue d’obtenir davantage de devises, en augmentant les monocultures exportatrices et en réduisant l’agriculture destinée à l’alimentation locale avec l’impact consécutif sur la sécurité alimentaire et la dépendance envers les marchés internationaux. Les barrières douanières ont été supprimées, facilitant la pénétration des produits agricoles états-uniens et européens hautement subventionnés et vendus en dessous de leur coût de production, à un prix inférieur à celui des produits locaux, ce qui à mené à la faillite la production de l’agriculture locale. De la même manière les économies de ces pays se sont ouvertes aux investissements, aux produits et aux services des multinationales. Les privatisations massives des entreprises publiques, vendues souvent à des prix sous-estimés et dont les multinationales ont surtout bénéficié, ont été une pratique généralisée. Ces politiques ont eu un impact direct sur la production agricole locale et la sécurité alimentaire, en soumettant ces pays au marché mondial, aux intérêts des corporations transnationales et des institutions internationales.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC), établie en 1995, a consolidé les politiques d’ajustement structurel à travers les traités internationaux, en leur soumettant les législations nationales. Les accords commerciaux administrés par l’OMC — tel l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) — ont encore renforcé le contrôle du Nord sur les économies du Sud.
L’OMC a forcé les pays en développement à supprimer leurs protections douanières, à éliminer la protection accordée aux petits producteurs locaux et les subventions qui leur étaient accordées et d’ouvrir de cette manière leurs frontières aux produits des corporations transnationales alors qu’en même temps les marchés du Nord restaient fortement protégés. Dans la même veine, les traités régionaux — tels, entre autres, l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALÉNA, entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) et l’Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, la République dominicaine et les États-Unis (CAFTA) — ont approfondi la libéralisation du commerce, mettant en faillite les agriculteurs du Sud et les rendant dépendants de l’importation des produits alimentaires du Nord.
Les subventions agricoles états-uniennes et européennes, dirigées principalement vers l’industrie agro-alimentaire, contournent les petits producteurs locaux. Ce soutien à l’agro-industrie équivaut à un quart de la valeur de la production agricole aux États-Unis et à 40 % dans l’Union européenne (19). Dans l’État espagnol les principaux bénéficiaires des aides de la politique agricole commune sont les exploitations les plus grandes : sept producteurs, parmi lesquels la duchesse d’Alba, 3,2 % des plus grands agriculteurs espagnols reçoivent 40 % des aides directes (20), alors que les exploitations familiales, qui assurent l’existence des zones rurales en Europe et celle des millions de paysans dans le Sud, ne peuvent pratiquement pas compter sur les aides et souffrent de la concurrence déloyale des produits fortement subventionnés.
Des pays exportateurs aux importateurs
Ces politiques de « développement » économique, impulsées par les institutions internationales avec la bénédiction des gouvernements respectifs et au service des corporations transnationales, ont détruit un système de production alimentaire local et soutenable en lui substituant un modèle de production industrielle et intensive, assujetti aux intérêts des capitalistes. C’est ce qui nous a conduit à la crise actuelle et à l’insécurité alimentaire.
Les pays du Sud, qui étaient autosuffisants et même disposaient d’un excédent de produits agricoles d’une valeur d’un milliard de dollars il y a une quarantaine d’années, sont devenus aujourd’hui totalement dépendants du marché mondial et importent en moyenne pour onze milliards de dollars de nourriture (21). Comme le note Eric Holt-Giménez, « l’accroissement des pénuries alimentaires au Sud reflète l’augmentation des excédents alimentaires et l’expansion du marché dans le Nord industriel », de même que le renforcement de son complexe agro-alimentaire. Dans les années 1960, par exemple, l’Afrique était un exportateur net de nourriture pour l’équivalent de 1,3 milliard de dollars, alors qu’actuellement ce continent importe un quart de ses aliments.
Les cas de Haïti et du Mexique
Le cas de Haïti est révélateur. Comme l’a noté Bill Quigley (22), il y a trente ans ce pays produisait la quantité de riz nécessaire pour nourrir sa population, mais, au milieu des années 1980, face à une crise économique aiguë, lorsque le dictateur Jean-Claude « Baby Doc » Duvalier a fui le pays en vidant les coffres, Haïti a dû s’endetter auprès du FMI. Une spirale de « domination » a alors commencé, plongeant le pays sous la dépendance économique et politique profonde des institutions financières internationales et, tout particulièrement, des États-Unis.
Pour obtenir les prêts, Haïti fut contraint de mettre en œuvre une série de politiques d’ajustement structurel : la libéralisation du commerce et la réduction des tarifs douaniers qui protégeaient la production agricole, y compris celle du riz. Cette ouverture des frontières commerciales a permis l’importation sans discernement du riz américain subventionné, vendu bien en dessous du prix auquel les agriculteurs locaux pouvaient en produire. Citant le prêtre haïtien Gérard Jean-Juste, Bill Quigley explique : « Au cours de la décennie 1980 le riz importé, vendu à un prix inférieur au coût de la production des agriculteurs locaux, a envahi le pays. Les agriculteurs haïtiens ont perdu leur travail et ont fui vers les villes. En quelques années la production locale s’est effondrée. » Les paysans, incapables de rivaliser avec le riz importé ont abandonné leurs cultures et Haïti est devenu un des principaux importateurs du riz états-unien.
En conséquence, lorsqu’en avril 2008 le prix du riz, des haricots et des fruits a augmenté de plus de 50 %, la majorité de la population haïtienne fut incapable d’y accéder. Plusieurs jours d’émeutes dans le pays le plus pauvre de l’Amérique du sud (où le régime alimentaire moyen d’un adulte se limite à 1 640 calories par jour, soit 640 de moins que la moyenne requise selon le Programme alimentaire mondial de l’ONU) ont souligné l’ampleur de la tragédie. Devant l’impossibilité d’acheter la nourriture, la consommation des tortillas (crêpe à base de farine de maïs salée) s’est accrue.
Quel intérêt pourraient avoir les États-Unis pour ce marché haïtien du riz, alors qu’il s’agit d’un des pays les plus pauvres ? Environ 78 % de la population de Haïti survit avec moins de 2 dollars par jour et plus de la moitié avec moins d’un dollar. L’espérance de vie y est de 59 ans. Pourtant, selon les chiffres du Département de l’agriculture des États-Unis, en 2008 Haïti a été le troisième plus important importateur di riz états-unien, une culture subventionnée par le gouvernement à la hauteur d’un milliard de dollars par an. Qui en sont les bénéficiaires ? Entre 1995 et 2006, par exemple, un seul producteur, Riceland Foods Inc., a reçu 500 millions de dollars de subvention. Et ce n’est pas tout. Les subventions gouvernementales pour l’exportation du riz ont atteint de tels sommets que, selon les informations publiées en 2006 par « The Washington Post », le gouvernement avait versé au moins 1,3 milliard de dollars depuis 2000 à ceux qui n’ont jamais rien cultivé, dont 490 000 dollars à un chirurgien de Huston qui avait acquis des terres près de cette ville sur lesquelles le riz n’avait jamais été cultivé (23). Notons, qu’en ce qui concerne les tarifs douaniers, les États-Unis ont établi des barrières de 3 % à 24 % pour les importations du riz, soit exactement la même protection que celle que Haïti a été forcé de supprimer au cours des années 1980 et 1990.
Berceau de la culture du maïs, le Mexique est un autre exemple classique de la destruction de sa souveraineté alimentaire. Au début de l’année 2007, la crise de la tortilla — une brutale augmentation de son prix de 60 % du fait de l’augmentation du coût du maïs, son composant essentiel — a poussé le Mexique au bord de la crise économique, alarmant le monde entier. Les subventions du gouvernement états-unien à la production des biocarburants ont fait qu’il devenait plus rentable d’utiliser le maïs pour la production de l’éthanol que pour l’alimentation, ce qui a poussé son prix vers le haut.
Mais la crise de la tortilla, comme la crise alimentaire actuelle, ne peut être comprise sans analyser l’impact des politiques du marché libre imposées par la Banque mondiale, le FMI et Washington au cours des dernières années. Ces politiques ont transformé le Mexique en une économie d’importation dépendante du riz états-unien.
En août 1982 le gouvernement mexicain s’est déclaré insolvable pour payer la dette extérieure mais la situation de crise économique et sociale l’a obligé de s’endetter encore auprès des banques commerciales et des institutions internationales. En échange des fonds empruntés pour faire face au service de sa dette, le FMI et la Banque mondiale ont imposé des conditions au Mexique, à travers un Programme d’ajustement structurel, entre autres : l’ouverture de ses marchés, l’élimination des tarifs douaniers et des règlements étatiques, la contraction des dépenses publiques, le démantèlement du système étatique du crédit, des subventions à la production agricole et la suppression du contrôle des prix, la fin des services étatiques d’approvisionnement, de la commercialisation, du stockage et d’assurance des cultures (24).
Ce coup de force a été suivi d’un autre, encore plus brutal : l’entrée en vigueur le 1er janvier 1994 de l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALÉNA), ayant abouti à l’afflux massif du maïs états-unien fortement subventionné qui a inondé le marché mexicain et plongé son secteur agricole dans une crise profonde.
Avec la liquidation de l’Office étatique de commercialisation du maïs, sa distribution — qu’il soit produit localement ou importé des États-Unis — est passée sous le contrôle de quelques entreprises transnationales, comme Cargill et Maseca, qui ont une grande capacité de spéculation sur le marché mondial. Ce monopole leur permet, par exemple, d’éviter que la hausse du prix mondial ne se traduise par une augmentation du prix payé aux petits producteurs locaux. Cette situation a généré un abandon massif de la campagne mexicaine par les petits producteurs de maïs et de riz, par les petits éleveurs, etc., qui ont été expulsés vers les bidonvilles, incapables de tenir la concurrence face aux produits états-uniens subventionnés. On estime qu’environs 1,3 million de paysans ont quitté les campagnes, une partie importante d’entre eux émigrant aux États-Unis, huit ans après l’entrée en vigueur de l’ALÉNA (25).
Les cas de Haïti et du Mexique sont loin d’être isolés. Ils peuvent être extrapolés à de nombreux autres pays du Sud, où l’application systématique des politiques néolibérales au cours des dernières années a non seulement démantelé un système autochtone de production agricole, d’élevage et d’alimentation, mais a aussi liquidé toute protection de leurs communautés, de leurs industries et des services publics. Ainsi, en se fondant sur les mêmes préceptes, la Banque mondiale a proposée de supprimer la production du riz au Sri Lanka — une culture traditionnelle depuis plus de trois mille ans et le fondement de l’alimentation locale — car il serait moins cher de l’importer du Viêt Nam ou de la Thaïlande (26). La restructuration économique néolibérale tout au long des années 1990 aux Philippines a transformé ce pays d’exportateur net d’aliments en plus grand importateur mondial de riz, qui achète chaque année sur le marché mondial entre un et deux millions de tonnes pour sa demande interne (27). La logique du marché libre a condamné ce pays à une spirale de domination et de misère.
Impacts sur le Nord
Les conséquences de la crise alimentaire mondiale font écho dans le Nord. Ainsi dans l’État espagnol, au cours de l’année 2008, les agriculteurs, les pêcheurs, les camionneurs, les éleveurs sont descendus dans la rue contre l’augmentation du coût du carburant, celle des matières premières et pour demander une rémunération juste de leur travail, alors que les prix alimentaires ne cessent de croître.
En janvier 2008, des milliers d’éleveurs ont défilé à Madrid à l’appel de la Coordination des organisations des agriculteurs et éleveurs (COAG), exigeant des solutions concrètes pour résoudre la crise que le secteur traverse. La COAG a souligné que le principal problème résidait dans la hausse du prix des aliments, pendant que la tendance des prix d’achat aux producteurs était à la baisse. Une situation qui menace la viabilité de 400 000 fermes petites et moyennes du fait de l’impossibilité de transférer l’augmentation de leurs coûts de production sur leurs prix de vente. Au début de mai 2008, une dizaine de milliers d’agriculteurs et éleveurs ont manifesté à Madrid pour exiger du gouvernement une nouvelle loi sur les marges commerciales, qui limiterait la différence entre le prix payé au producteur et celui payé par le consommateur, car on note actuellement entre les deux un accroissement moyen de 400 %. La grande distribution réalise ainsi des superprofits au détriment des producteurs et des consommateurs.
A la fin mai 2008 plusieurs milliers de pêcheurs se sont rassemblés devant le siège du Ministère de l’environnement et des collectivités rurales et marines, à Madrid, pour protester contre la hausse continue du prix des carburants et l’absence de subventions (le pétrole a augmenté de 320 % en cinq ans, alors que le prix de vente des poissons est stable depuis vingt ans). Au cours de la manifestation les pêcheurs ont distribué vingt tonnes de poisson frais. La situation actuelle du secteur rend la pêche quasiment intenable.
Les transporteurs se sont joints également aux protestations, bloquant les autoroutes et les routes, en raison de la hausse du prix du diésel, qui atteint déjà 50 % de leurs coûts. Et on pourrait poursuivre de tels exemples.
Au cours des dernières années les prix des produits qui sont à la base de notre alimentation n’ont pas cessé de grimper. Ainsi, selon les données publiées par le Ministère espagnol de l’industrie, du tourisme et du commerce, au cours de l’année 2007 le prix du lait s’est accru de près de 26 %, celui des oignons de 20 %, celui de l’huile de tournesol de 34 %, celui de la viande de volaille de 16 %… Il en va ainsi de la majorité des produits alimentaires, alors que l’indice officiel des prix à la consommation n’a grimpé que de 4,1 % au cours de la même année.
Il est évident que les effets de la crise alimentaire sont difficilement comparables au Nord et au Sud de la planète. Au Nord les achats de nourriture ne concernent qu’entre 10 % et 20 % des revenus alors que cette proportion atteint dans les pays du Sud 50 % à 60 %, voire même jusqu’à 80 %. Il n’en reste pas moins très important d’identifier l’impact de cette augmentation des prix, y compris dans le Nord, alors que les profits des multinationales continuent à augmenter et que les gouvernements plaident en faveur d’une libéralisation économique encore plus grande.
La situation de la paysannerie s’aggrave chaque jour. Au cours des dix dernières années, dans l’État espagnol on a assisté à la disparition de près de dix exploitations agricoles par jour. La population paysanne s’est réduite de 5,6 % et elle est composée en majorité de personnes âgées. En extrapolant ces chiffres, la Fundació Terra a estimé que l’État espagnol sera amené à importer 80 % des aliments nécessaires pour nourrir sa population dans quinze ans (28). Le revenu agricole n’a pas cessé de diminuer, atteignant aujourd’hui 65 % du niveau du revenu moyen. Cela n’a rien de surprenant lorsque, par exemple, en 2005 l’indice des prix à la consommation a augmenté de 4,2 % alors que les prix de vente des produits agricoles ont diminué — une tendance qui se répète d’année en année. Le prix agricole peut être multiplié par onze avant d’être acheté par le consommateur et on estime que plus de 60 % du bénéfice réalisé se concentre dans l’ultime maillon de la chaîne : le supermarché.
Qui profite de la crise alimentaire?
La crise alimentaire mondiale bénéficie aux multinationales qui monopolisent chaque chaînon de la production, de la transformation et de la distribution de la nourriture. Il n’est donc pas étonnant que les profits des principales multinationales des semences, des engrais, de la transformation et de la commercialisation de la nourriture n’aient pas cessé de croître. Il s’agit d’un complexe agro-industriel mondial qui s’est construit au cours du dernier demi-siècle, soutenu par des fonds publics, la coopération internationale et les politiques internationales de « développement » agricole.
En 2007, les principales compagnies des semences, Monsanto et Du Pont ont respectivement déclaré une augmentation de leurs profits de 44 % et de 19 % par rapport à l’année précédente. Les plus grandes entreprises d’engrais, Potash Corp., Yara et Sinochem ont vu leurs profits augmenter respectivement de 72 %, de 44 % et de 95 % entre 2006 et 2007. Il en a été de même pour les principaux trusts de transformation alimentaire — les profits de Nestlé ont ainsi augmenté de 7 % au cours de la même période. La grande distribution a également accru ses marges. La principale chaîne de supermarchés d’origine britannique a ainsi déclaré une augmentation de ses profits de 12,3 % au cours de cette même année, alors que Carrefour et Wal Mart indiquaient que la vente des produits alimentaires était leur principale source de revenus. Le rapport annuel de 2007 des supermarchés états-uniens Safeway indiquait que ses bénéfices nets se sont accrus de 15,7 %.
La clé c’est la pratique de ces multinationales : vendre des volumes importants avec des marges faibles fournies directement par les producteurs. L’augmentation du prix des céréales a déclenché « une fièvre dans le monde des grandes entreprises en vue de s’assurer le contrôle de toute la chaîne alimentaire » (29). Les multinationales de l’agro-industrie et les compagnies de vente au détail l’ont renforcé en particulier en achetant directement la production agricole, dans le but de réduire les coûts d’approvisionnement et les prestations des assurances.
On assiste à une concentration des entreprises de la chaîne alimentaire. En 2007 la valeur totale des fusions-acquisitions dans l’industrie alimentaire mondiale (incluant les fabricants, les distributeurs et les vendeurs) a atteint 200 milliards de dollars — le double de 2005. Ces fusions reflètent une accélération de la monopolisation de l’industrie alimentaire.
Ainsi, dans le premier maillon de la chaîne, celui des semences, les dix plus grandes compagnies mondiales (Monsanto, Du Pont, Syngenta, Bayer…) contrôlent la moitié des ventes. Il s’agit d’un marché annuel d’environ 21 milliards de dollars, un secteur relativement petit en comparaison de celui des pesticides ou de l’industrie pharmaceutique, mais s’agissant du premier chaînon de la production, il faut garder à l’esprit son importance pour la sécurité alimentaire de la population mondiale. Les lois sur la propriété intellectuelle, qui assurent à ces compagnies l’exclusivité des droits sur les semences, ont stimulé la concentration de ce secteur et ont érodé les droits fondamentaux des agriculteurs à conserver les semences autochtones et à préserver la biodiversité. 82 % du marché des semences à travers le monde est maintenant constitué de semences brevetées, objets de monopoles exclusifs et de la propriété intellectuelle (30).
L’industrie des semences est intimement liée à celle des pesticides. Les principales entreprises de semences dominent aussi le secteur des pesticides et, souvent, le développement et la commercialisation des deux produits sont réalisés conjointement. Mais dans le secteur des pesticides la monopolisation est encore plus importante, les dix firmes principales contrôlant 84 % du marché mondial. Les fusions-acquisitions sont une pratique courante dans ce secteur en vue de réaliser les économies d’échelle optimale pour concourir sur le marché mondial. Les accords du type « cartel technologique » se multiplient également. En 2007, par exemple, le plus grand semencier mondial, Monsanto, et la principale entreprise chimique mondiale, BASF, ont signé un partenariat de recherche et développement en vue d’accroître le rendement et la tolérance à la sécheresse du maïs, du coton, du colza et du soja. De tels accords permettent de tirer les avantages des marchés oligopolistiques et de contourner les restrictions légales des monopoles.
On observe la même dynamique dans le secteur de la grande distribution qui connaît une forte concentration. En Europe, entre 1987 et 2005, la part du marché des dix plus grandes multinationales a augmenté pour atteindre actuellement 45 %. On estime qu’elle pourrait atteindre les 75 % au cours des dix à quinze prochaines années. En Suède, par exemple, trois firmes contrôlent déjà 95,1 % du marché, dans les pays comme l’Argentine, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas quelques sociétés contrôlaient déjà en 2000 entre 40 % et 60 % du marché (31). Les fusions constituent la pratique habituelle, les grandes corporations basées dans les pays occidentaux absorbant les petites chaînes à travers le monde, en particulier dans les pays du Sud, pour assurer leur expansion mondiale.
Cette concentration et ces monopoles permettent de contrôler étroitement et de déterminer ce que nous consommons, à quel prix, de quelle origine, comment cela a été élaboré, etc. En 2007, selon la liste Fortune Global 500, la plus grande entreprise mondiale du point de vue du volume de ses ventes fut la multinationale de vente au détail Wal-Mart, devant les géants du pétrole (Exxon Mobile, Shell, British Petroleum) ou de l’industrie automobile (Toyota). Un peu plus loin sur la liste on remarquait Carrefour (33-ème), Tesco (51-ème), Kroger (87-ème), Royal Ahold (137-ème), Auchan (139-ème). Ce modèle de vente au détail a un grand impact négatif sur tous les acteurs de la chaîne alimentaire : les paysans, les fournisseurs, les consommateurs, les travailleurs.
Complicité institutionnelle
Cet ensemble de multinationales contrôlant toutes la chaîne alimentaire bénéficie du soutien explicite des élites politiques et des institutions internationales qui privilégient les profits de ces entreprises au détriment des besoins alimentaires de la population et du respect de l’environnement. Ces corporations réalisent des profits importants grâce à un modèle agro-industriel libéralisé et déréglementé.
Les institutions internationales comme la Banque mondiale, l’OMC, le FMI, la FAO tout comme l’Alliance pour la révolution verte en Afrique, le gouvernement des États-Unis, l’Union européenne et les grandes multinationales du secteur agro-alimentaire annoncent que la cause de la crise alimentaire réside dans l’insuffisance de la production alimentaire. Le numéro deux de la FAO, José María Sumpsi, l’a formulé clairement, disant qu’il s’agit d’un problème de l’offre et de la demande dû à l’augmentation de la consommation dans les pays émergeants comme l’Inde, la Chine ou le Brésil (32). C’est également la position du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, au cours du Sommet sur la sécurité alimentaire, tenu à Rome en juin 2008. Il a déclaré qu’il fallait augmenter de 50 % la production alimentaire tout en rejetant les restrictions à l’importation imposées par certains pays touchés par la crise.
Les résultats de ce sommet de juin 2008 reflètent le consensus entre l’ONU, la Banque mondiale et le FMI pour maintenir la dépendance du Sud et soutenir les multinationales agro-alimentaires. Les recommandations adoptées favorisent une plus grande ouverture des marchés du Sud, les subventions aux importations d’aliments dans le cadre de l’aide au développement et le soutien à une nouvelle révolution verte (33). Les « solutions » recommandées par ces organismes sont les causes actuelles de la crise alimentaire : libéralisation accrue du commerce agricole international, introduction de plus de technologie et de plus de semences transgéniques, etc.
Comme l’a souligné Eric Holt-Giménez, « Ces mesures vont simplement renforcer le statu quo corporatiste qui contrôle le système alimentaire» (34). La solution ne peut être plus de libéralisation du marché car, comme nous l’avons démontré, la libéralisation du commerce implique plus de famine et moins d’accès à la nourriture. On ne peut pas prétendre non plus que le problème réside aujourd’hui dans le manque de nourriture car jamais dans l’histoire il n’y a eu plus d’aliments produits dans le monde. Il n’y a pas de crise de la production mais une totale impossibilité d’y accéder pour de larges secteurs de la population qui ne peuvent payer les prix actuels.
Crise du capitalisme
La pénurie alimentaire aiguë faite partie du contexte de la crise systémique du capitalisme avec ses facettes multiples : économique, écologique, sociale, alimentaire, énergétique… Le capitalisme a démontré son incapacité de satisfaire les besoins fondamentaux de la majorité de la population mondiale (un accès à la nourriture, un logement digne, des services publics d’éducation et de santé de bonne qualité) tout comme son incompatibilité absolue avec la préservation de l’écosystème (perte croissante de la biodiversité, changement climatique en cours). Cela se manifeste de la manière la plus dramatique dans le Sud, durement touché par la crise alimentaire et vivant l’aggravation de la pauvreté structurelle dont il a souffert depuis des décennies.
Ce qui a été présenté il y a une quinzaine d’années comme une idéologie triomphante et victorieuse, la seule possible, a rapidement souffert une crise de crédibilité et de légitimité. Pourtant les politiques néolibérales sont poursuivies et intensifiées dans le cadre d’une concurrence mondiale inter-impérialiste et de tensions croissantes avec les nouvelles puissance émergeantes comme la Chine et l’Inde.
Selon Riechmann (35) trois phénomènes à grande échelle confluent dans l’actuelle crise écologique et sociale :
a) une crise climatique anthropique, créé par les humains, conséquence des gaz à effet de serre ;
b) une crise énergétique en raison de la dépendance des combustibles fossiles, dont l’exploitation arrive rapidement à sa fin, tant en ce qui concerne le gaz naturel que le charbon ;
c) une crise de la biodiversité, avec la disparition d’espèces animales et végétales et la dégradation de l’écosystème, qui pourrait conduire à la « sixième grande extinction » — mais les précédentes, qui ont conduit à la quasi-disparition de la vie sur notre planète, avaient été le fait d’une perturbation de la biosphère de nature extérieure, alors que celle-ci serait le résultat de l’activité humaine. Une situation qui découle de l’insertion très mauvaise des systèmes humains dans les systèmes naturels.
Agriculture industrielle et changement climatique
Le modèle actuel industrialisé de production agricole et d’élevage contribue à l’approfondissement de la crise écologique mondiale et a un impact direct sur la genèse du changement climatique. Comme le signale le rapport Stern (36), l’agriculture industrialisée est une source majeure de production de gaz à effet de serre, dépassant même les secteurs de l’énergie et des transports. Si l’on prend en compte l’impact de la déforestation (qui génère 18 % des gaz à effet de serre) et l’impact du modèle actuel de l’agriculture et de l’élevage (qui produit 14 % de ces gaz), les deux ensemble sont responsables de 32 % des gaz à effet de serre. Un chiffre qui peut être attribué au modèle de l’agriculture intensive et industrielle, responsable en premier lieu du changement climatique mondial, bien devant le secteur de l’énergie (24 %) et celui des transports (14 %). Ces données mettent en évidence le fort impact du modèle agricole actuel dans la destruction de l’environnement et sa contribution à la crise écologique.
Nous ne pouvons oublier les éléments caractéristiques de ce système de production alimentaire : intensif, industriel, éloigné des consommateurs, dépendant du pétrole… Regardons le plus en détail :
► Intensif, il réalise une surexploitation des sols et des ressources naturelles qui finit par engendrer les gaz à effet de serre par les forêts, les champs de culture et les pâturages. En opposant la productivité à la protection de l’environnement et la régénération de la terre, il rompt l’équilibre permettant aux sols de contribuer à la stabilité climatique en capturant et stockant le carbone. Ainsi l’activité agricole intensive finit par générer elle-même du CO2 (37).
► Industriel, car il s’agit d’un modèle de production mécanisé, utilisant les produits agrochimiques, la monoculture, etc. L’emploi de tracteurs géants pour labourer la terre et transformer les aliments contribue à la libération du CO2. Les engrais chimiques, inévitables dans ce modèle d’agriculture et d’élevage, produisent une grande quantité d’azote (NO2), une des sources majeures d’émission des gaz à effet de serre. Ces engrais synthétiques répandus sur la terre réagissent chimiquement en libérant le NO2. En outre, la destruction des forêts et des jungles pour les convertir en pâturages ou en monoculture affecte gravement la biodiversité et contribue à la libération massive du carbone.
► Éloigné des consommateurs et dépendant du pétrole, car il s’agit d’une production délocalisée à la recherche de la main-d’œuvre la moins coûteuse et des législations environnementales les moins exigeantes. Les aliments que nous consommons parcourent des milliers de kilomètres avant d’arriver sur notre table avec l’impact sur l’environnement résultant des combustibles fossiles employés par les transports. On estime qu’à l’heure actuelle la plus grande partie des aliments voyagent entre 2 500 et 4 000 kilomètres avant d’être consommés, soit 25 % de plus qu’en 1980. Nous nous trouvons dans une situation insoutenable : par exemple l’énergie employée pour envoyer quelques laitues d’Almería aux Pays-Bas est trois fois supérieure à celle utilisée pour leur culture (38). Selon une étude britannique, un repas dominical typique en Grande-Bretagne, réalisé aves des fraises de Californie, les brocolis du Guatemala, les airelles de Nouvelle-Zélande, le bœuf australien, les pommes de terre importées d’Italie, les haricots thaïlandais et les carottes d’Afrique du Sud génère 650 fois plus d’émissions de carbone, du fait de leur transport, que si le même repas était réalisé avec des aliments produits localement (39). Une pratique d’autant plus irrationnelle que bien des produits alimentaires importés sont produits localement.
Mais les aliments voyageurs ne se limitent pas à accroître la pollution de l’environnement, ils provoquent également une uniformisation et une standardisation de la production. Par exemple, s’il y a encore quelques années dans certaines régions européennes existaient des centaines de variétés de pommes, aujourd’hui dans un supermarché on ne trouvera plus qu’une dizaine de variétés tout au cours de l’année. Cela a conduit à négliger la culture des variétés locales au profit de celles dont la demande provenant de la grande distribution est plus forte en raison de leur couleur, de leur taille, etc. (40). Une situation que l’on retrouve dans le cas de bien d’autres aliments, comme le maïs, les tomates, les pommes de terre…, où l’approche commerciale et productiviste a prévalu sur l’écologie et la soutenabilité.
Ce modèle d’alimentation « kilométrique et voyageuse », tout comme l’emploi démesuré de l’agrochimie et des dérivés du pétrole, entraîne une forte dépendance des combustibles fossiles. En conséquence, dans la mesure où le modèle productif de l’agriculture et de l’élevage est fortement dépendant du pétrole, la crise alimentaire et la crise énergétique sont étroitement liées et les causes qui ont conduit à la première sont aussi responsables de la seconde.
Crise financière et crise alimentaire
Au cours des années 2007-2008 éclata la crise financière internationale la plus importante depuis 1929. La crise des hypothèques « subprimes », à la mi-2007, fut un des éléments déclencheurs, qui a conduit à l’effondrement historique des marchés boursiers du monde entier, à de nombreuses faillites financières, à l’intervention constante des banques centrales, des opérations de sauvetage sans précédent de la part des gouvernements, au déclin de l’économie réelle… ce qui a signifié l’entrée en récession de certaines des économies les plus industrialisées de la planète. Comme l’a noté Éric Toussaint, « si ce n’était l’intervention massive et concertée des pouvoirs publics qui se sont portés au secours des banquiers voleurs, la crise actuelle aurait déjà pris de plus amples proportions », ajoutant que « cette crise économique et financière, qui a déjà touché l’ensemble de la planète, affectera de plus en plus les pays en développement » (41).
La crise alimentaire et la crise financière sont le résultat des mêmes politiques de déréglementation et se complètent mutuellement. Cette libéralisation des marchés a augmenté leur vulnérabilité. Avec la crise des hypothèques en 2007, les investisseurs ont commencé à chercher des investissements plus sûrs, tels le pétrole et les produits agricoles. De cette manière ils ont provoqué l’augmentation des prix des denrées alimentaires et des fournitures agricoles, contribuant ainsi à la crise alimentaire et à la hausse des prix du début 2008 (42).
Bien que la crise financière et économique se soit répercutée par une réduction de la spéculation sur les matières premières et, par conséquent, par une réduction de leur prix, cela n’a pas eu d’impact direct sur le prix de vente de la nourriture. Selon Eric Holt-Giménez (43), la crise économique a aggravé la crise alimentaire et plus personne ne parle maintenant du manque d’aliments, les gouvernements et les institutions internationales affirment qu’ils ne peuvent pas allouer plus de ressources pour lutter contre la famine et les prix de la nourriture dans les supermarchés ne diminuent pas, même s’ils ont dû recourir à la mise en vente de produits bon marché « démarqués » ou à d’autres procédés similaires pour préserver leur chiffre d’affaires.
Les crises financière et alimentaire ont déclenché ce que GRAIN (44) a appelé « un nouvel “accaparement des terres” au niveau mondial ». La situation d’insécurité alimentaire a conduit certains gouvernements des pays dépendants des importations alimentaires — entre autres, l’Arabie saoudite, le Japon, la Corée, la Libye, l’Égypte — à acheter des terres agricoles dans différentes régions du globe dans le but de produire des aliments pour leur consommation interne. Ils achètent des terres dans des pays comme le Cambodge ou le Soudan, eux-mêmes confrontés à une grave crise alimentaire. Au Soudan, le Programme alimentaire mondial de l’ONU tente de fournir la nourriture aux 5,6 millions de réfugiés, alors qu’au Cambodge une centaine de milliers de foyers, soit un demi-million de personnes, manquent de nourriture. Mais les gouvernements de ces pays voient dans les demandes d’achat des terres une opportunité économique et un moyen d’obtenir de nouveaux investissements étrangers.
L’industrie agro-alimentaire et les investisseurs privés ont suivi une dynamique similaire, voyant là une opportunité de profit. L’achat des terres agricoles est considéré comme une option garantissant des revenus stables dans une conjoncture de crise économique. Citons encore GRAIN : « Dans de nombreux endroits du monde, les prix alimentaires sont élevés et les prix des terres sont faibles. Et la plupart des “solutions” à la crise alimentaire proposent d’extraire plus de nourriture des terres dont nous disposons. On peut donc clairement gagner de l’argent en prenant le contrôle des meilleurs sols, proches des ressources en eau ». Par conséquent, on observe désormais un processus croissant de privatisation et de concentration des terres agricoles fertiles qui menace encore davantage la sécurité alimentaire mondiale.
Des alternatives existent
Mais il existe des alternatives. Face à l’usurpation des ressources naturelles, nous devons plaider pour la souveraineté alimentaire : que les communautés contrôlent les politiques agricoles et alimentaires. La terre, les semences, l’eau... doivent être rendues aux paysans pour qu’ils puissent se nourrir et vendre leurs produits à des communautés locales alors que le surplus serait utilisé pour le commerce équitable international. Ce sont des pratiques qui ont eu cours depuis des siècles et qui ont assuré la sécurité alimentaire de larges couches de la population grâce à la diversification des cultures, la protection des terres, la bonne utilisation de l’eau, la création de marchés locaux et de systèmes alimentaires communautaires. Les méthodes de production et de distribution des aliments, soutenables et équitables, ne requièrent que la volonté politique pour être mises en œuvre (45). De plus, une réforme agraire intégrale de la propriété et de la production de la terre et la nationalisation des ressources naturelles sont également nécessaires.
La relocalisation de l’agriculture entre les mains de la paysannerie permettra de garantir l’accès universel à l’alimentation. C’est ce que constatent les résultats d’une consultation internationale de grande envergure qui a impliqué plus de 400 scientifiques, réalisée par l’Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles pour le développement (IAASTD, de l’anglais International Assessment of Agricultural Science and Technology for Development), un système d’évaluation impulsé ni plus ni moins que par la Banque mondiale en partenariat avec la FAO, le PNUD, l’UNESCO, des représentants des gouvernements, des institutions privées, scientifiques, sociales, etc. Il est intéressant d’observer que ce rapport — bien que commandé par ces institutions — a conclu que la production agro-écologique pourvoyait des aliments et des revenus monétaires aux plus pauvres, tout en engendrant des excédents pour le marché, en garantissant mieux la sécurité alimentaire que la production transgénique. Une étude de l’Université de Michigan a également conclu que les fermes agricoles écologiques étaient très productives et capables d’assurer la sécurité alimentaire de l’ensemble de la planète, contrairement à l’agriculture industrialisée et au libre échange.
Plusieurs études démontrent que la petite production paysanne peut avoir un fort rendement tout en employant moins de combustibles fossiles, en particulier lorsque les aliments sont commercialisés localement ou régionalement. Par conséquent, l’investissement dans la production agricole familiale est la meilleure garantie pour mettre fin à la pauvreté et à la famine, surtout lorsque les trois-quarts des plus pauvres au monde sont des petits paysans.
Les gouvernements doivent soutenir la production soutenable à petite échelle non par une mystification des formes « petites » ou ancestrales de la production, mais parce qu’elle permet de régénérer les sols, d’économiser les combustibles, de réduire le réchauffement climatique mondial et de garantir la souveraineté de notre alimentation. Actuellement, nous sommes tributaires du marché mondial et des intérêts de l’industrie agro-alimentaire. La crise alimentaire en est le résultat. Comme l’a demandé Henry Saragih (46), au nom de Via Campesina, aux gouvernements nationaux : « La priorité absolue doit être accordée à la production alimentaire nationale, afin de diminuer la situation de dépendance vis-à-vis des marchés internationaux. Les paysans, les paysannes et les petits agriculteurs doivent être encouragés à produire grâce à des prix équitables pour leurs produits agricoles et des marchés stables, afin qu’ils puissent alimenter leurs communautés. Cela signifie une augmentation des investissements dans la production alimentaire basée sur l’agriculture paysanne pour les marchés domestiques. » Les politiques publiques doivent favoriser l’agriculture autochtone, soutenable, biologique, dépourvue des pesticides, des produits chimiques et des OGM et, en ce qui concerne les produits qui ne sont pas cultivés localement, promouvoir les instruments de commerce équitable à l’échelle internationale. Il est nécessaire de protéger les agro-écosystèmes et la biodiversité gravement menacée par le modèle agricole actuel.
Contre les politiques néolibérales il faut créer les mécanismes d’intervention et de régulation qui permettent de stabiliser les prix du marché, contrôler les importations, établir des quotas, interdire le dumping et créer, lors de moments de surproduction, des réserves spécifiques pour les périodes ou ces aliments sont rares. Au niveau national, les pays doivent être souverains à l’heure de décider du niveau de leur autosuffisance productive et prioriser la production de la nourriture pour la consommation intérieure, sans interventionnisme extérieur.
Il faut également rejeter les politiques imposées par la Banque mondiale, le FMI, l’OMC et les accords de libre-échange bilatéraux et régionaux, de même qu’interdire la spéculation financière, le commerce à terme des aliments et la production des agrocarburants à grande échelle pour élaborer le « pétrole vert ». Il faut mettre un terme aux instruments de domination Nord-Sud, tel le payement de la dette extérieure et combattre le pouvoir des corporations agro-industrielles.
Contre le monopole sur la production, la transformation et la distribution des aliments il faut exiger la régulation et la transparence tout au long de la chaîne de commercialisation d’un produit. Le complexe agro-industriel a des effets très négatifs sur l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire : les paysans, les fournisseurs, les travailleurs, les commerçants et les consommateurs. Nous devons exiger des politiques publiques qui soutiennent les petits paysans, l’agriculture écologique, le commerce de voisinage, qui défendent les droits des travailleurs et, en attendant, parier sur une consommation « alternative » sur le marché local, les coopératives agro-écologoques de consommateurs, les circuits courts de commercialisation avec un impact positif sur le territoire et une relation directe avec ceux qui travaillent la terre.
Il faut s’orienter vers une consommation responsable et consommer en fonction de nos véritables besoins, combattre la consommation excessive, anti-écologique, non nécessaire, superflue et injuste promue par le système capitaliste lui-même (47). Comme l’a souligné Jorge Riechmann, « Il y a des éléments socio-culturels très forts, comme cette culture expansive du dépassement promue intensément par le capitalisme, cette insistance sur le caractère illimité des désirs humains, le débordement des limites, l’amélioration infinie de la condition humaine qui est identifiée de manière erronée avec la consommation croissante de biens et de services. » (48). Joaquim Sempere se situe sur le même terrain et il suggère quelques pistes en indiquant que la situation historique actuelle de gaspillage collectif de quelques ressources naturelles limitées nous oblige à aller vers un dispositif « d’austérité volontaire », malgré les difficultés de se soumettre à la privation individuelle au nom d’un bénéfice collectif. Il ajoute : « la seule austérité viable pour les sociétés entières c’est l’austérité imposée », mais celui qui l’impose ne doit pas être « une autorité extérieure à la société, mais la “volonté collective” qui émerge de la société elle-même à travers des mécanismes de décision assumés comme contraignants » (49).
Au-delà de l’action individuelle, qui a une valeur démonstrative importante et qui apporte la cohérence à notre pratique quotidienne, l’action politique collective est essentielle pour rompre le mythe que nos actions individuelles génèrent elles-mêmes les changements structurels (50). Dans le domaine de la consommation, il est possible de participer dans les coopératives de consommateurs de produits agro-écologiques qui fonctionnent, en général, au niveau des quartiers, de manière autogérée, et établissent des relations directes avec les paysans et les producteurs de leur environnement dans le but de réaliser une consommation écologique, solidaire et de soutien aux paysans locaux.
Mais cette action politique ne peut se limiter au champ de la consommation, elle doit aller plus loin, établir des alliances entre les divers secteurs sociaux atteints par la mondialisation capitaliste et agir politiquement. La situation de crise systémique du capitalisme, avec ses diverses facettes — écologique, financière, alimentaire, énergétique… — rend cette action politique collective plus nécessaire que jamais. La création des alliances entre les paysans, les travailleurs, les femmes, les immigrés, les jeunes… est une condition indispensable pour ce diriger vers cet « autre monde possible » que les mouvements sociaux préconisent.
L’action sociopolitique pour parvenir à un changement réel des institutions politiques et économiques en direction d’un nouveau modèle de développement et de croissance sociale et écologique soutenable est indispensable : exiger une législation qui interdise la culture et la commercialisation des produits transgéniques, qui impose des limites aux monopoles de la grande distribution par la transparence et la régulation de toute la chaîne d’approvisionnement, etc. Un changement de paradigme dans la production, la distribution et la consommation des aliments n’est possible que dans un cadre plus large de transformation politique, économique et sociale. Pour cela il est essentiel de créer des espaces de résistance, de transformation et d’action politique collective. ■
- Esther Vivas, journaliste et sociologue, membre de la direction de Izquierda Anticapitalista (Gauche anticapitaliste, État espagnol) et tête de liste lors des élections européennes de 2009, est militante de la IVe Internationale. Elle a publié Del campo al plato (avec Xavier Montagut, Icaria Editorial, Barcelona 2009), En pie contra la deuda externa (El viejo topo, Barcelona 2008, traduction française : En campagne contre la dette, Syllepse, Paris 2009), El futuro del Foro Social Mundial (Icaria Editorial, Barcelona 2008), Supermercados, no gracias (avec Xavier Montagut, Icaria Editorial, Barcelona 2007). Nous reproduisons ici un chapitre de son livre Del campo al plato (pp. 9-40).
** Artícle publié dans Inprecor, n. 556-557, janvier 2010: http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=860
Notes
1. Voir, entre autres, les déclarations de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) lors du sommet de Rome (juin 2008), du G8 lors du sommet de Hokkinado (juillet 2008), de l’OMC lors de la rencontre de Genève (juillet 2008) ou de la Réunion de haut niveau sur la sécurité alimentaire à Madrid (janvier 2009).
2. Déclaration du directeur général de la FAO, Jacques Diouf, devant les commissions de l’agriculture et des affaires étrangères du Sénat italien, septembre 2007.
3. ETC Group, ¿De quién es la naturaleza?: http://www.etcgroup.org/es/materiales/publicaciones.html?pub_id=709
4. Holt-Giménez E., La crisis mundial de alimentos: que hay detrás y qué podemos hacer, http://www.ircamericas.org/esp/5627
5. Holt-Giménez E. & Peabody L., De rebeliones por comida a la soberanía alimentaria :llamado urgente para reparar el destruido sistema alimentario, http://alainet.org/active/24201
6. Déclaration du directeur général de la FAO, op. cit.
7. GRAIN, El negocio de matar de hambre, http://www.grain.org/articles/?id=40
8. Hernández Navarro L., «Silencioso asesinato en masa en países en desarrollo», La Jornada du 12 mai 2008 ; Holt-Giménez E., op. cit.
9. Des auteurs ont contesté certains de ces arguments, cf. Berthelot J., Démêler le vrai du faux dans la flambée des prix agricoles mondiaux, http://www.cadtm.org/IMG/article_PDF/article_3762.pdf ; Nadal A., «Adiós al “Factor China”», AAVV Introducción a la crisis alimentaria global, Barcelona, Campaña No te comas el mundo, pp. 32-33 ; Toussaint É., Interconnexion des crises capitalistes, http://www.cadtm.org/Interconnexion-des-crises
10. Reuters, 15 avril 2008.
11. Holt-Giménez E., op. cit.
12. ibidem.
13. García F., Especulandia. Introducción a la especulación alimentaria, http://www.noetmengiselmon.org/IMG/pdf/Especulandia_ACCD-2.pdf
14. Holt-Giménez E., op. cit.
15. Si on se limite aux chiffres, on pourrait conclure que les résultats de la « révolution verte » pour la période 1970-1990 ont été positifs. Le total des aliments par tête s’est accru, selon la FAO, de 11 % et le nombre d’affamés a diminué de 11 %. Mais si on extrait de cette analyse globale la Chine — qui au cours de cette période n’a pas connu de « révolution verte » mais une réforme agraire profonde — on s’aperçoit que le nombre de personnes souffrant la famine s’est accru au cours de cette période, passant de 536 à 597 millions, soit une augmentation de 11 %, selon la FAO. Cf. Riechmann J., Cuidar la T(t)ierra, Barcelona 2003, Icaria editorial.
16. Rosset P., Collins J. et Moore Lappé F., «Lecciones de la Revolución Verde», Revista del Sur, julio-agosto 2000.
17. Les Programmes d’ajustement structurel (PAS) sont les conditions imposées par le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale à un pays pour lui octroyer les garanties financières indispensables à la renégociation de l’endettement extérieur.
18. Cf. Vivas E., En pie contra la deuda externa, Barcelona 2008, El Viejo Topo.
19. Holt-Giménez E., op. cit.
20. Intermón Oxfam (2005), Goliat contra David, http://www.intermonoxfam.org/cms/HTML/espanol/520/dc170305_Goliat_%20contra_%20David%20.pdf
21. Ces chiffres datent de 2001, cf. Holt-Giménez E., op. cit.
22. Quigley B., The US rôle in Haiti’s food riots, http://www.counterpûncjh.org/quigley04212008.html
23. Quigley, op. cit.
24. Cf. Vivas E., En campagne contre la dette, Syllepse, Paris 2009 ; Bello W., Cómo generar una crisis mundial de los alimentos:lecciones del Banco Mundial, el FMI y la OMC, http://alainet.org/images/Enfoque%20sobre%20Comercio%20140.pdf
25. Polaski S., Mexican employment, productivity and income a decade after NAFTA, http://www.carnegieendowment.org/publications/index.cfm?fa=view&id=1473
26. Houtart F., L’altermondialisme et les Forums sociaux, Introduction au Forum social congolais, http://www.forumsocialmundial.org.br/noticias_textos.php?cd_news=415
27. Bello W., op. cit.
28. Fundació Terra, «Seguretat alimentària», Perspectiva ambiental nº 36 (2006), pp. 1-32.
29. GRAIN, L’aide en semences, agrobusiness et crise alimentaire, http://www.grain.org/seedling/?id=573
30. ETC Group (2008), ¿De quién es la naturaleza?, http://www.etcgroup.org/es/materiales/publicaciones.html?pub_id=709
31. García F. et Rivera M., «La revolución del supermercado: ¿producir alimentos para quién?», Dans Montagut X. et Vivas E., Supermercados, no gracias, Barcelona 2007, Icaria editorial, pp. 33-45.
32. El País du 24 avril 2008.
33. Vivas E., «FAO: más libre comercio más hambre», Público du 6 juin 2008.
34. 4. Holt-Giménez E., La crisis mundial de alimentos: que hay detrás y qué podemos hacer, http://www.ircamericas.org/esp/5627
35. Riechmann J., «Ahora menos que nunca podemos separar el problema ecológico de la cuestión social», entretien réalisé pour ECOS de CIP-Ecosocial, http://www.fuhem.es/media/ecosocial/File/Boletin%20ECOS/Boletin%201/Entrevista%20Jorge%20Riechmann%203ene08.pdf
36. Stern review: The economics of climate change, www.sternreview.org.uk
37. Robert M., Captura de carbono en los suelos para un mejor manejo de la tierra, ftp://ftp.fao.org/agl/agll/docs/wsrr96s.pdf
38. Fundació Terra, «Seguretat alimentària», Perspectiva ambiental nº 36 (2006), pp. 1-32.
39. Jones A., Eating oil : food suply in a changing climate, Londres, Sustain.
40. Patel R., Obesos y famélicos, Barcelona 2008, Los libros del lince.
41. Toussaint E., Interconnexion des crises capitalistes, http://www.cadtm.org/Interconnexion-des-crises
42. Holt-Giménez E., op. cit.
43. Déclarations d’Eric Holt-Giménez, directeur de Food First, lors des journées sur la crise alimentaire organisées par la campagne «No te comas el mundo», à Barcelone le 29 novembre 2008.
44. GRAIN, Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financière, http://www.grain.org/briefings/?id=213
45. Vivas E, «Frente a la crisis alimentaria, ¿qué alternativas?», América Latina en Movimiento n° 433, pp. 23-25.
46. Lettre ouverte de Henry Saragih, Coordinateur International de la Via Campesina, à M. Jacques Diouf, Directeur Général de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), M. Yasuo Fukuda, Premier ministre du Japon, Président du G8 et M. John W. Ashe, représentant permanent auprès de l’ONU d’Antigua et Barbuda et président du Groupe des 77, Jakarta, le 28 avril 2008, http://www.viacampesina.org/main_fr/index.php?option=com_content&task=view&id=281&Itemid=38
47. Cf. Joaquim Sempere, Évolution des besoins dans la perspective d’une organisation socio-économique durable, in: Consommer autrement. La réforme écologique des modes de vie, L’Harmattan, Paris 2009
48. Riechmann J., op. cit.
49. Sempere J., «¿Es posible la austeridad voluntaria en un mundo que se hunde en la insostenibilidad ecológica?» in : Linz M., Riechmann J., Sempere J., Vivir (bien) con menos, Barcelona, Icaria editorial, pp. 19-32.
50. Recio A., «Consumo responsable: una reflexión crítica», Mientras Tanto nº 99, pp. 41-47.