État espagnol - CADTM
Espagne, novembre 2012, Jérôme Duval.
Comme chacun sait, la situation en Espagne devient chaque jour plus préoccupante. Au-delà du chômage officiel qui atteint des sommets, la précarité s’installe à chaque coin de rue et de nouveaux phénomènes sociaux s’immiscent dans notre quotidien : on propose aux travailleurs-ses de poursuivre leur labeur sans salaire ; de nombreux jeunes retournent vivre chez leurs parents faute de pouvoir subvenir à leurs besoins ou bien s’exilent à l’étranger ; près des 2300 pharmacies de la Communauté Valencienne sont maintenant en grève tournante (1 jour sur 3) car la municipalité ne les paye plus depuis le 15 mai (elle leur doit 450 millions d’euros) ; les listes d’attente s’allongent pour toute opération chirurgicale et les soins deviennent inaccessibles aux plus démunis ; à Madrid, six hôpitaux sont actuellement en voie de gestion privée ; les droits d’université augmentent de 22,4% en moyenne cette année (de 32,4 % à Madrid) et le budget pour l’éducation s’effondre alors que la priorité donnée au remboursement de la dette, inscrite dans la constitution l’année passée sans consultation populaire, place la satisfaction des créanciers au dessus de celle de la population toute entière; ainsi, la part du budget pour le seul remboursement des intérêts de la dette publique est 13 fois plus importante que pour l’éducation ; il y a plus de 500 expulsions de logements par jour et l’on dénombre déjà des cas de suicides qui interviennent juste avant l’ordre d’expulsion ; l’insécurité devient palpable et s’installe dans l’ombre de la misère ; la pauvreté infantile qui a augmenté de 45% depuis le début de la crise en 2007 provoque de nouveaux scénarios de malnutrition et de déscolarisation… L’attaque frontale contre les droits sociaux acquis par la lutte est omniprésente, l’Etat social se désagrège totalement. Ce retour en arrière se réalise à grande vitesse augurant d’énormes tensions sociales. Cette féroce contre-révolution se déroule dans un contexte que l’on pourrait qualifier de prérévolutionnaire. Les manifestations sectorielles sont quotidiennes et le mouvement social reste actif et organisé bien que débordé par l’ampleur de la tâche. Pendant ce temps l’extrême droite s’organise et distribue de la nourriture aux plus démunis…
Le collectif Patas Arriba (« sens dessus dessous ») membre du réseau international CADTM et de la campagne Quién debe a Quién est né en septembre 2008 à Valencia en collaboration avec Attac Pais Valencia pour renforcer la lutte contre la dette à travers des projections de films, conférences/débats et publications. Dans le sillage de la rencontre ‘Deudocracia’ à Madrid en octobre 2011, le groupe participe à la réunion qui donnera naissance six mois plus tard (en mars 2012) à la PACD (Plateforme d’Audit Citoyen de la Dette), dont il devient, à partir de février 2012, l’antenne locale à Valencia. Une dizaine de personnes sont actuellement activement impliquées dans le processus d’audit citoyen à Valencia. En lien avec d’autres mouvements sociaux, la Plateforme se veut socialement active et participe à de nombreuses manifestations, soutient des actions revendicatives, intervient en public pour divulguer information et analyse, et prépare à la formation de futurs intervenant-e-s. De plus en plus sollicité localement, le groupe participe aussi au réseau international ICAN (International Citizen Audit Network) qui coordonne 10 pays d’Afrique du Nord et d’Europe pour l’émancipation des populations contre l’oppression de la dette.