Extrait Nos tâches
5. Nos tâches
5.1. Sensibiliser les militants des mouvements sociaux pour conscientiser les masses et contribuer à construire une mobilisation de masse sur le climat. Le combat sur le climat requiert en priorité la construction de rapports de forces sociaux. Face à l’urgence et à la politique criminelle des gouvernements capitalistes, nous oeuvrons dans tous les pays à la construction d’un puissant mouvement de masse unitaire, coordonné à l’échelle mondiale. Ce mouvement doit être conçu comme un maillage des résistances sociales existant sur différents terrains, avec actions convergentes coordonnées et manifestations occasionnelles pluralistes, sur une plateforme minimale commune. Son but doit être de contraindre les gouvernements à viser au minimum les réductions d’émission les plus radicales avancées par le GIEC, dans le respect du principe des « responsabilités communes mais différenciées », des droits sociaux et démocratiques ainsi que du droit de toutes et tous à une existence humaine digne de ce nom. La mobilisation de masse en défense du climat est une tâche ardue du fait notamment du double décalage spatial et temporel entre le phénomène et ses effets. Un ample travail d’information sur le réchauffement et sur ses impacts est nécessaire . Il doit viser en particulier les équipes militantes des différents mouvements sociaux et des formations politiques de gauche, car celles-ci jouent un rôle décisif pour établir le lien concret entre la menace climatique globale et les problèmes sociaux particuliers, et en déduire des stratégies permettant de combiner lutte sociale et lutte environnementale.
5.2. Construire un courant de gauche, qui lie la lutte sur le climat et la justice sociale. La mutation nécessaire ne peut être gagnée sans la mobilisation et la participation active des exploités et des opprimés qui constituent l’immense majorité de la population. La politique climatique capitaliste rend cette participation impossible parce qu’elle est inacceptable sur le plan social. Elle implique en effet le renforcement de la domination impérialiste, de la concurrence et de la violence capitalistes ; donc de l’exploitation, de l’oppression, de l’inégalité sociale, de la concurrence entre travailleurs, de la violation des droits et de l’appropriation privée des ressources. En particulier, cette politique n’apporte aucune réponse au défi majeur de l’emploi, des salaires et des acquis des millions de travailleurs occupés dans les secteurs gros émetteurs de gaz à effet de serre. De ce fait, elle ne peut que se heurter à des résistances sociales légitimes. Les grandes ONG environnementales tentent de radicaliser les objectifs climatiques des gouvernements en refusant de voir que cette radicalisation entraîne du même coup l’accentuation des attaques anti-sociales. C’est une voie sans issue. Nous défendons la nécessité d’une lutte combinée sur le climat et la justice sociale. Au sein du mouvement large, nous oeuvrons à la constitution d’un pôle de gauche qui lie ces deux dimensions et qui plaide par conséquent contre les recettes basées sur les instruments de marché, l’accumulation, la domination néocoloniale et la fuite en avant technologique. Ce pôle cherche à regrouper des éléments des gauches syndicale, écologiste, altermondialiste, féministe, tiers-mondiste, la gauche des « décroissants », les organisations de la gauche radicale, des scientifiques critiques, etc.
5.3. Mener la lutte idéologique contre le néo-malthusianisme vert, en défense des pauvres et des droits des femmes. Par sa nature de problème global et l’ampleur des catastrophes qu’il est susceptible de provoquer, le réchauffement favorise le développement de toute une série de courants idéologiques qui, sous couvert d’écologie radicale, tentent de réhabiliter les thèses de Malthus en les emballant dans un discours apocalyptique aux forts accents religieux. Ces courants trouvent un écho au plus haut niveau dans certains secteurs des classes dominantes, où la disparition de quelques centaines de millions d’êtres humains est plus facile à imaginer que celle du capitalisme. De ce fait, ils font peser une menace potentiellement sérieuse sur les pauvres en général, tout particulièrement sur les femmes. La lutte contre ces courants constitue une tâche importante, que nos organisations doivent assumer en tant que telles et en lien avec le mouvement des femmes. Le niveau de la population est évidemment un paramètre de l’évolution du climat, mais il s’agit de combattre catégoriquement l’idée fausse que la croissance démographique serait une cause du changement climatique. La transition démographique est largement entamée dans les pays en développement, et progresse plus vite que prévu. Il est souhaitable qu’elle se poursuive, mais cela passe par le progrès social, le développement de systèmes de sécurité sociale, l’information des femmes et leur droit à contrôler leur propre fécondité (y compris le droit à l’avortement dans de bonnes conditions). Il s’agit forcément d’une politique de long terme. Sauf à recourir à des moyens barbares, aucune politique de contrôle de la population ne permet de répondre à l’urgence climatique
5.4. Introduire la question du climat dans les plateformes et les luttes des mouvements sociaux. Dans la perspective d’une mobilisation large enracinée dans les luttes existantes, nous agissons pour que la défense du climat devienne une préoccupation majeure des mouvements sociaux et qu’elle trouve une traduction concrète dans leurs plateformes de revendications, sur tous les terrains. Par exemple :
- la lutte pour la paix : la production d’armes et l’emploi des armes constituent une folie inacceptable au regard au regard du changement climatique… qui est lui-même une cause possible de conflits supplémentaire ;
- la lutte contre la pauvreté, pour le droit au développement et la protection sociale : la capacité d’adaptation aux CC est directement proportionnelle au niveau de ressources et de développement. L’inégalité sociale accroît la vulnérabilité et handicape la mutation énergétique ;
- la lutte des femmes : l’adaptation au changement climatique renforce l’importance et l’urgence des revendications spécifiques des femmes pour l’égalité des droits, pour une prise en charge sociale des enfants, contre la double journée de travail, pour le droit à l’avortement et à la contraception ;
- la lutte pour l’emploi : réduire radicalement la consommation d’énergie, réaménager le territoire, les villes, prendre soin de la biodiversité, développer les transports publics et substituer les sources renouvelables aux fossiles offre un gigantesque réservoir d’emplois de qualité ;
- la lutte pour l’accès à la terre, à l’eau et aux ressources naturelles, ainsi que pour une agriculture organique paysanne : les communautés rurales pratiquant une agriculture organique intensive en main-d’œuvre connaissent les moyens d’augmenter la teneur des sols en matière organique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur ;
- la lutte contre la mondialisation et la libéralisation des marchés agricoles : cause de ruine des populations rurales, de famine, d’exode rural et/ou de pillage des écosystèmes, la libéralisation de ces marchés est aussi une importante sources d’émissions, directes (transport des produits d’exportation) et indirectes ;
- la lutte pour le droit d’asile : face à l’accroissement du nombre de réfugiés environnementaux, notamment climatiques, la liberté de circulation est indispensable et constitue la seule réponse digne de l’humanité ;
- les luttes des communautés indigènes pour leurs droits : par leur savoir et leur mode d’exploitation des écosystèmes, notamment forestiers, ces communautés sont les mieux à même de préserver et développer les puits de carbone ;
- la lutte contre la flexibilité et la précarisation du travail, contre l’allongement du temps de travail : les horaires coupés, flexibles, les campagnes capitalistes en faveur de la mobilité accrue de la main-d’œuvre, contraignent les salariés à l’usage la voiture. La production « just in time » est une source majeure d’émissions de GES dans le secteur des transports. La réduction du temps de travail est une condition nécessaire à l’éclosion à une échelle de masse de comportements alternatifs en matière de consommation et de loisirs ;
- la lutte contre les privatisations, pour un secteur public de qualité dans les domaines des transports, de l’énergie et de l’eau. Un secteur public de transport gratuit et de qualité peut seul concilier le droit de toutes et tous à la mobilité et la réduction des émissions. La libéralisation de la production d’électricité complique l’introduction sur le réseau des sources renouvelables intermittentes. Seule une entreprise publique ne travaillant pas pour le profit peut relever le défi consistant à supprimer en 2 ou 3 décennies la totalité des émissions dans le secteur du logement.
5.5. Tracer la perspective d’un plan anticapitaliste global de reconstruction sociale et écologique. Dans ce cadre, mettre en avant des revendications liant concrètement la lutte pour le climat et la lutte pour la satisfaction des droits sociaux, en particulier le droit à l’emploi. Les directions des grandes confédérations syndicales internationales accompagnent la politique climatique capitaliste en échange de la possibilité pour elles d’en négocier certaines modalités. Cette orientation se concrétise dans la proposition d’un « Green Deal » basé sur l’illusion que les technologies vertes permettront de résorber le chômage et donneront l’impulsion à une nouvelle onde longue de prospérité et d’expansion capitaliste. Les bureaucraties syndicales intègrent les impératifs productivistes et de rentabilité capitalistes ainsi que les outils de la politique climatique dominante : aides publiques aux entreprises « vertes », « fiscalité écologique », Mécanisme de Développement Propre, marché des droits d’émission, voire soutien à l’énergie nucléaire et aux agrocarburants. Cette politique risque de rendre le mouvement syndical co-responsable des catastrophes. Elle sème la division parmi les travailleurs à l’échelle internationale, et entre secteurs au sein des différents pays. Pour relever le défi, il ne suffit pas que des secteurs syndicaux participent aux mobilisations environnementales : la lutte pour le climat doit s’enraciner dans les luttes des exploités eux-mêmes, s’intégrer dans le combat de la gauche du mouvement ouvrier pour une alternative anticapitaliste. Pour cela, il s’agit de sortir d’une vision étriquée axée sur uniquement la redistribution des richesses pour contester la conception même de la richesse et la manière dont les richesses sont produites, c’est-à-dire le mode de production dans ses fondements. A la politique des directions syndicales bureaucratiques, nous opposons la perspective d’un plan anticapitaliste global de reconstruction sociale et écologique. Ce plan inclut la défense et le renforcement du secteur public (en particulier dans les secteurs des transports et de l’énergie), le droit à l’emploi, à la protection sociale et au revenu comme droits fondamentaux, la reconversion collective et sous contrôle ouvrier des travailleurs des entreprises inutiles ou nuisibles, la réduction radicale du temps de travail sans perte de salaire avec baisse des cadences et embauche compensatoire, la création d’emploi verts dans des entreprises publiques et la gratuité des services de base. A partir de ce cadre, nous intervenons dans les luttes, notamment autour des restructurations industrielles dans les secteurs écologiquement non soutenables (automobile par exemple), pour proposer des issues concrètes au choix infernal entre la poursuite de la production et la destruction de l’emploi. Nous exigeons des gouvernements qu’ils créent des emplois publics écologiquement utiles dans des secteurs tels que l’isolation des maisons, les transports en commun et le déploiement des sources d’énergie renouvelables indépendamment des coûts.
5.6. Le transfert massif de technologies propres vers les pays dominés et le financement de l’adaptation aux effets du changement climatique dans ces pays requièrent un partage des avoirs et des savoirs à l’échelle mondiale, donc ponctions substantielles sur les profits capitalistes. Le sauvetage du climat nécessite un partage des avoirs et des savoirs, à l’échelle mondiale. Il doit donc être lié à :
- l’annulation de la dette du tiers-monde et la restitution aux peuples des avoirs que les dictateurs de pays du Sud ont placés dans les banques occidentales ;
- la levée du secret bancaire, la suppression des paradis fiscaux, l’imposition des patrimoines, la taxation des mouvements spéculatifs, etc. ;
- l’augmentation substantielle des budgets des pays impérialistes consacrés à l’aide publique au développement ;
- la création, en plus de cette aide, d’un fonds mondial unique pour l’adaptation des pays en développement aux effets inévitables du CC et pour le transfert des technologies propres vers le secteur public de ces pays, sans conditions financières ;
- l’alimentation de ce fonds par une ponction sur les profits et les surprofits des secteurs économiques les plus responsables du changement climatique (secteur pétrolier, charbonnier, automobile, production d’électricité, notamment) ;
- la suppression du régime des brevets dans la santé et dans les technologies permettant de produire des biens de consommation et des services essentiels (transports, industrie légère, eau et énergie, communications) afin que toutes les populations de la planète puissent accéder aux biens fondamentaux ;
- un système de compensation financière pour les pays du Sud qui renoncent à exploiter leurs ressources en combustibles fossiles.
5.7. Les émissions des pays dominés ne pourront pas dévier de 30% au moins par rapport aux projections si le modèle capitaliste de développement n’est pas remis en cause. La contribution des pays dominés à la stabilisation du climat au niveau le moins dangereux possible n’est possible que par un développement endogène, répondant aux besoins de la grande masse de la population, donc lié à une réforme agraire en faveur de l’agriculture paysanne et à une réorientation de la production vers le marché intérieur. Concilier droit au développement humain et stabilisation du climat nécessite donc des mesures contre les classes dominantes locales, qui tirent prétexte du droit au développement pour tenter de refuser toute entrave à la combustion des combustibles fossiles, pillent des ressources naturelles, s’approprient les forêts, jouent les intermédiaires pour la vente des crédits de carbone, produisent des agrocarburants, et exportent des denrées agricoles ou des produits industriels à bas prix pour les marchés des pays développés. Pour empêcher qu’ils servent à alimenter ce modèle de développement socialement et écologiquement nuisible, les fonds et moyens technologiques mis à disposition des pays du Sud doivent être placés sous le contrôle démocratique des populations ainsi que de leurs mouvements sociaux. 5.8. Les peuples indigènes, en défendant leur mode de vie et leur type de relation avec l’environnement, jouent un rôle de premier plan dans la lutte pour la protection de la forêt, donc du climat et de l’environnement en général. Les peuples d’Amérique latine, en particulier, défendent une conception liée à leur civilisation ancestrale aux antipodes de la vie prônée par l’idéologie bourgeoise – ils retiennent qu’ils ne sont pas propriétaires de leur terre, mais qu’ils lui appartiennent, une notion qui résume l’axe central de leur philosophie, inspirée par le respect de la Terre, ce qui explique pourquoi ils appellent leur territoire la Mère Terre, la Pacha Mama. Ils soignent, entretiennent, et cultivent un autre modèle de vie, communautaire et solidaire, intensément lié à la nature. Ainsi, l’organisation socio-politique des peuples originaires sur leur territoire ne se limite pas aux frontières imposées par les impérialistes. Les menaces qui pèsent sur leur mode de vie, leurs structures sociales, leurs ressources naturelles, leurs peuples, à travers les innombrables invasions de leurs territoires constituent une violation de leurs droits inaliénables, ce qui les amène à s’organiser et résister aux saccages des transnationales mis en place dans le cadre des traités ou des accords de libre échange ou de l’IIRSA (Initiative pour l’Intégration de l’Infrastructure Régionale Sud-américaine) de ces dernières décennies. Leurs revendications doivent être soutenues et il faut s’opposer à toute occupation de leurs territoires par les industries extractives, à toute constructions d’usines hydroélectriques, de voies de chemins de fer ou de routes, de barrages… sans consentement préalable des peuples. A un moment où la question environnementale occupe clairement un rôle et une place stratégique dans la lutte anticapitaliste, la construction d’une alliance entre les mouvements de travailleurs des villes et des campagnes et les peuples premiers constitue un des plus grands défis de notre époque. L’enjeu de ces combats est aussi le sauvetage des dernières forêts tropicales qui jouent un rôle majeur dans le système climatique. 5.9. S’opposer à la fuite en avant technologique et intégrer tous les grands défis écologiques dans une perspective de développement vraiment soutenable. L’histoire du capitalisme est jalonnée de crises environnementales « résolues » sans vision écologique d’ensemble, par la mise en œuvre de réponses technologiques partielles subordonnées aux impératifs de rentabilité, dont les effets environnementaux néfastes apparaissent plus tard. Résoudre la crise climatique/énergétique en suivant la même méthode d’apprenti-sorcier risque d’avoir des conséquences encore plus redoutables, en particulier dans trois domaines : le recours accru au nucléaire et aux organismes génétiquement modifiés ainsi que le stockage géologique du CO2 dans le cadre d’une nouvelle vague d’exploitation de la houille. S’opposer à ces réponses capitalistes est une tâche des plus importantes. Il faut les dénoncer comme des symboles de la folie de la croissance capitaliste sans limites, comme la tentative absurde du système de sauter par-dessus sa propre tête pour maintenir malgré tout l’accumulation génératrice de profit. D’une manière plus générale, le défi climatique fédère toutes les questions environnementales. La riposte doit donc intégrer tous les grands défis écologiques, notamment : (i) la défense de la forêt tropicale dans le respect des droits des communautés indigènes qui vivent de ses ressources (puits de carbone) ; (ii) la défense de la biodiversité ; (iii) la gestion rationnelle et publique des ressources en eau ; (iv) la lutte contre l’empoisonnement de la biosphère par les quelques 100.000 molécules issues de la pétrochimie, qui n’existent pas dans la nature et donc certaines ne peuvent être décomposées par ses agents réducteurs ; (v) l’élimination des gaz destructeurs de l’ozone stratosphérique et leur remplacement par des composés n’ayant pas d’autre impact écologique dangereux ; (vi) la lutte contre la pollution atmosphérique et ses conséquences pour la santé humaine (asthme, maladies cardiovasculaires,) ainsi que pour les écosystèmes (acidification, ozone troposphérique). 5.10. Dénoncer le fossé entre les plans capitalistes et le diagnostic de la situation par les scientifiques. Nouer des liens avec des scientifiques critiques. Poser les questions de la propriété du savoir et du rôle social de la recherche. La prétention des gouvernements qui tentent de faire croire que leur politique climatique capitaliste et libérale est fondée sur « la science » doit être combattue vigoureusement. Pour ce faire, il s’agit de dénoncer le gouffre séparant les objectifs des gouvernements des conclusions que le principe de précaution impose de tirer des rapports du GIEC. Cette dénonciation implique d’assimiler l’essentiel de l’expertise scientifique tout en critiquant les présupposés idéologiques et sociaux dominants qui sont véhiculés par la grande majorité des experts. La gauche doit nouer des relations avec des scientifiques, les inviter à communiquer leur expertise aux mouvements sociaux, les interpeller à partir de ceux-ci sur leur positionnement politique général, les pousser à s’exprimer sur la contradiction entre les solutions rationnelles globales que demande la lutte contre le réchauffement, d’une part, et l’ultra-cloisonnement des sciences au service de la rationalité capitaliste partielle, d’autre part. Vu la place prise par l’expertise scientifique dans l’élaboration des politiques, il est d’une importance non négligeable de nouer des relations entre les mouvements sociaux et des chercheurs critiques et humanistes. Dans ce cadre, nous développons un point de vue plus général sur le rôle de la science et de la recherche dans la lutte pour la stabilisation du climat dans la justice sociale. Nous ne refusons pas les solutions technologiques, ni les concepts de développement et de progrès. Nous plaidons au contraire pour que la recherche scientifique et technique soit libérée de l’emprise du capital afin que son potentiel puisse être mis massivement et rapidement au service du progrès dans l’efficience énergétique, la gestion rationnelle des ressources et le développement soutenable des sources énergétiques renouvelables. Nous exigeons le refinancement public massif de la recherche, l’arrêt des contrats qui lient les universités à l’industrie et au capital financier, la définition démocratique des priorités de la recherche en fonction de la transition, dans la justice sociale, vers une société sans combustibles fossiles. 5.11. Combattre la culpabilisation, mais assumer la sobriété énergétique dans la mesure du possible social. Les discours culpabilisants des gouvernements qui attribuent la responsabilité du réchauffement au comportement individuel de chacun escamotent l’inégalité sociale, la responsabilité du capitalisme, détournent l’attention des profonds changements structurels nécessaires, et pavent le chemin pour des mesures injustes telles que la « taxe carbone ». C’est une illusion de croire que le climat pourrait être sauvé par un mouvement de « contagion culturelle » contre la surconsommation, alors que plus de la moitié de l’humanité vit dans la sous-consommation chronique. Mais c’est une illusion également de miser sur d’hypothétiques percées scientifiques révolutionnaires pour ne pas mettre en question la surconsommation et les pratiques individuelles qui en découlent. Au lieu d’opposer les actions dans la sphère de la consommation aux changements structurels dans la sphère de la production, les premières doivent être conçues comme un moyen de faire prendre conscience de la nécessité des secondes. Les pratiques sociales alternatives, les campagnes et les mobilisations démocratiques, même minoritaires, qui contestent le productivisme et le consumérisme, peuvent jouer un rôle positif dans la formation de la conscience collective que des changements structurels sont nécessaires, aussi dans la sphère de la production, et que ces changements s’accompagneront d’une plus grande qualité de vie. 5.12. Développer une pratique de secours populaire en cas de catastrophe. Le changement climatique accroît considérablement les risques de catastrophes frappant plus particulièrement les travailleurs et les pauvres, en particulier dans les pays en développement. Face à cette menace, nous devons nous préparer à intervenir avec les mouvements sociaux sur deux terrains différents : le terrain revendicatif consistant à mettre les Etats devant leurs responsabilités ; et le terrain des secours directs, populaires et solidaires, pris en charge par les populations locales et leurs organisations avec l’aide des réseaux militants au niveau mondial. L’expérience acquise dans les catastrophes naturelles montre en effet que ces secours populaires sont plus rapides, plus directement orientés vers les pauvres et les besoins réels et peu coûteux. De plus, ils sont favorables à l’éclosion d’autres rapports sociaux, de contestation de l’ordre établi.