Sanctions in a feminist party

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MESURES DE SANCTIONS DANS UNE ORGANISATION FEMINISTE

Suivent les critères justifiant des sanctions internes dans l’organisation, en ce qui concerne l’oppression des femmes. Ils ont été approuvés au VIème congrès national du PRT, qui s’est tenu du 1er au 5 novembre1989 à Mexico.

Ce document est une contribution de la Commission Femmes du PRT à la réflexion à propos des mesures de sanctions en rapport avec l’oppression des femmes. Il nous semblait qu’il était particulièrement important de commencer cette réflexion par écrit, puisque nous avons décidé lors de notre dernier congrès de fournir de nouveaux efforts pour transformer cette organisation en organisation féministe. Nous sommes convaincues que, depuis notre dernier congrès, les camarades femmes se sont senties plus en confiance pour dénoncer des cas d’agression contre elles, ce qui nous conduit à faire les observations suivantes avec la volonté de poursuivre et d’approfondir la discussion entamée il y a deux ans.
Une organisation comme la nôtre, dont les principes révolutionnaires incluent une perspective féministe, se trouve face à des défis et des contradictions lorsqu’elle tente d’établir des règles et des normes à propos du fonctionnement interne. Lorsque nous rejoignons une organisation révolutionnaire, nous nous reconnaissons en général dans une certaine vision du monde, implicite dans nos principes, qui devient une identité commune, établissant en pratique une forme de contrôle social entre les membres de l’organisation révolutionnaire. Ce contrôle social est inscrit dans nos normes et nos règles, et est fondamentalement appliqué par la commission de contrôle et toutes les autres instances de l’organisation. C’est là qu’émerge la question des sanctions. Et c’est pour cela que les militants les considèrent nécessaires.
Certaines valeurs ont été acceptées historiquement pas les Marxistes du point de vue du comportement d’un-e militant-e révolutionnaire. Pour autant, en ce qui concerne le questionnement féministe, nous avons moins de valeurs communes, et ce pour plusieurs raisons, en particulier la jeunesse du mouvement féministe de masse. Les changements de comportement et de valeurs proposés par le féminisme ne sont pas acceptés par l’ensemble de la société, ni par tous les révolutionnaires, parce qu’ils font partie de ce qu’historiquement on considérait comme privé. C’est pour cela que mettre en place des normes dans la vie de l’organisation selon des critères féministes n’est pas chose facile.
Nous savons qu’il ne s’agit pas de donner des recettes ou des modèles à suivre. La recherche d’hommes et de femmes nouveaux-elles est justement cela, une recherche. Nous savons que l’émancipation totale des hommes et des femmes n’est pas possible dans le système capitaliste, mais nous reconnaissons la nécessité de lutter pour le changement dès aujourd’hui, c’est un des apports de notre courant international. Nous n’acceptons pas l’attitude cynique qui consiste à dire qu’il est impossible de changer tout cela aujourd’hui, que les changements adviendront sous le socialisme. Notre engagement révolutionnaire nous conduit à lutter pour le changement dès aujourd’hui, aussi difficile que soit ce processus, et en dépit de ses contradictions. Après tout, la vie des hommes et des femmes révolutionnaires ne se caractérise pas par son confort.
Dans notre nouveau courant marxiste révolutionnaire, nous concevons le féminisme comme un mouvement qui recherche un changement profond, la subversion de l’ordre établi. Il ne s’agit pas seulement d’assurer pour les femmes l’accès aux carrières, professions, postes, rang, reconnaissance, ressources, etc. Notre lutte féministe n’est pas seulement dirigée vers l’égalité formelle, elle s’applique à révolutionner les relations de genre en général, entre les hommes et les femmes. C’est pour cela que notre conception féministe inclut la sphère privée. Notre objectif est de féminiser autant le privé que le public.
L’oppression des femmes s’exprime de manière fondamentale dans la sphère privée. Pour nous, la sphère privée n’est pas seulement constituée par les relations inter-familiales au foyer, mais surtout par la globalité des identités masculine et féminine, dans laquelle les relations liées à la domination de genre sont ressenties de la manière la plus profonde et la plus douloureuse. Des siècles d’apprentissage des femmes et des hommes sont concentrés dans la formation de ces identités différentes. Les changer n’est pas chose aisée, mais nous espérons qu’il ne nous faudra pas encore des siècles.
Il nous semblait que ces remarques préalables étaient nécessaires pour replacer l’oppression des femmes dans sa complexité, et pour rappeler l’importance d’approfondir notre compréhension sans utiliser des clichés à propos de l’oppression des femmes et de leur émancipation. De plus, nous pensons qu’il est important d’expliquer pourquoi nous disons que l’organisation n’est pas une île : ni les camarades hommes ni les camarades femmes ne peuvent atteindre l’émancipation eux et elles-mêmes, individuellement ou en groupes. Nous vivons dans une contradiction fondamentale : nous luttons tous les jours pour un autre monde, à contre-courant de la société, mais aussi de nous-mêmes.
Le problème majeur, c’est qu’il nous faut établir un certain contrôle social interne en ce qui concerne les relations de genre, malgré les difficultés inhérentes à notre réalité. Dans ce domaine, nous avons déjà fait plusieurs pas importants, si nous tenons compte du contexte hostile. L’ « affirmative action » et les quotas minimaux dans les directions sont deux mesures importantes pour la construction d’une organisation révolutionnaire féministe. Pour autant, il y a d’autres aspects de la construction de l’organisation auxquels il est plus difficile d’appliquer des critères féministes. Le contrôle social destiné à protéger les camarades femmes contre l’agression de camarades hommes n’est pas aisément accepté. En d’autres termes, la féminisation de la sphère publique (accès pour les femmes aux directions, aux mandats …) est moins problématique que celle de la sphère privée. Le problème est d’autant plus fondamental que c’est là que nous trouvons les pires formes d’oppression des femmes.
Nous pensons que nous, en tant que militants des deux sexes, devons fournir de sérieux efforts pour changer notre comportement et nos idées, mais il s’agit évidemment d’un processus long et sinueux. Il n’est pas question de considérer qu’il s’agit de trouver des recettes dans un livre de cuisine ou un manuel, l’établissement de sanctions ne constitue pas en lui-même une solution à l’oppression. Nous ne voulons pas réduire le problème à la question du crime et du châtiment ou à des sanctions exemplaires, nous ne pensons pas non plus qu’on apprend par la peur. Ceci étant dit, que faire ?
D’abord, nous reconnaissons la nécessité des sanctions. Elles sont nécessaires pour préserver l’organisation, ce qui inclut les femmes. On exige des militant-e-s des normes minimales de respect dans les relations, qui permettent aux femmes d’agir politiquement dans notre pays, avec une certaine confiance. Il nous semble que ces normes minimales peuvent être classées en trois catégories : la violence (menaces et coups), la violence sexuelles (harcèlement et viol) et les agressions verbales sexuelles (remarques sexistes à l’égard des camarades). Bien entendu on pourrait encore subdiviser ces catégories, et elles exigent des types et des niveaux de sanction différents, mais nous considérons qu’il s’agit là des aspects minimaux autour desquels tous-tes les militant-es du PRT doivent établir les règles pour travailler ensemble. Si nous ne parvenions pas à réguler ces trois aspects, les femmes seraient laissées sans aucune protection dans notre vie au sein de l’organisation. Les sanctions sont un type d’action défensif qui permet qu’en tant que femmes nous puissions rester dans l’organisation avec un minimum de garanties.
Dans la mesure où nous ne considérons pas cette question sous l’angle du crime et du châtiment, nous savons que, pour minimiser les agressions contre les femmes à l’intérieur de l’organisation, il importe de faire plus que mettre en place des sanctions. Il s’agit fondamentalement d’une lutte idéologique. Nous menons un combat conscient contre l’idéologie patriarcale, son système de valeurs, ses habitudes etc. Pour cela, nous devons débattre de manière organisée des différents aspects de l’oppression liées à ce qu’on appelle la vie privée, sexualité, subjectivité, maternité/paternité etc. L’organisation ne peut en aucun cas réguler l’intimité des militant-es, nous ne sommes pas une force de police chargée de réguler la pensée et les sentiments des cadres de l’organisation. Il s’agirait de pratiques dignes du stalinisme et du nazisme, qui n’appartiennent pas à nos conceptions marxistes révolutionnaires. Mais il est évident que, pour que nous puissions réellement prendre en compte la question du genre, l’organisation doit discuter des questions personnelles et subjectives, en tentant d’établir un équilibre entre trois aspects : les conditions objectives dans la société, le respect de l’individualité de chacun dans son processus de construction individuelle, et le questionnement de la sphère privée, qui nous montre sa nature politique et sociale. Nous devons aussi prendre en compte les différents niveaux de conscience parmi les militant-es de l’organisation, pour pouvoir situer nos mesures dans la réalité contradictoire du PRT.
Cela signifie que nous devons intégrer le débat sur ces questions dans la vie de l’organisation et dans l’éducation des cadres. Nous devons mettre en place du matériel et des méthodes appropriés pour l’éducation aux différents niveaux, mais surtout, la direction doit s’engager, avec la commission, à organiser le débat.
Il est fondamental que l’ensemble de la direction soit impliquée, parce qu’il faut éradiquer l’idée que l’oppression des femmes est le problème des femmes. La responsabilité de féminiser l’organisation nous appartient à tous et toutes. Ce qui est sûr, c’est qu’en tant que femmes, nous avons besoin d’un certain équilibre des forces pour que la question du genre puisse être présente en permanence. Bien entendu, pour que cela soit possible, il faut un mouvement de femmes actif dans le pays, mais nous devons aussi créer un espace de discussion pour les femmes là où il n’y en a pas, et le renforcer là où il existe. Nous ne voulons pas être quelques féministes spécialisées, mais nous souhaitons que toutes les femmes au sein du PRT trouvent une identité de genre, et pour cela, nous devons discuter entre nous. L’expérience des femmes du Comité Central est un pas en avant important, mais nous devons approfondir notre recherche d’un meilleur rapport de forces.
Il nous semble que nous pourrons améliorer le rapport de forces et notre confiance en nous lorsque nous commencerons à discuter de notre oppression en tant que femmes dans les instances de base. Parfois, c’est plus efficace qu’une sanction.
Nous devons aller beaucoup plus loin dans la discussion au sujet des différents niveaux de conscience à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation. Il est important de discuter de comment les militant-es doivent se comporter dans le mouvement de masse, et de tenter d’expliquer ce que doit être le comportement militant féministe dans le mouvement de masse, en évitant la confrontation violente.
Nous avons confiance dans le PRT, et dans la possibilité pour les hommes et les femmes en son sein d’initier un changement profond. Nous voulons que le VIème congrès marque une nouvelle étape sur le chemin que nous avons emprunté au dernier congrès.

Commission Femmes du PRT Bandera Socialista No.402, Decembre 1989