Stéphanie Treillet, "L'instrumentalisation du genre dans le nouveau consensus de Washington", Actuel Marx, n°44, 2008: Difference between revisions
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* Falquet J., 2003. “Femmes, féminisme et « développement » : une analyse critique des politiques des institutions internationales”, In : Bisilliat, Jeanne (sous la direction de). ''Regards de femmes sur la globalisation. Approches critiques.'' Paris : Karthala. Pp 75-112. | * Falquet J., 2003. “Femmes, féminisme et « développement » : une analyse critique des politiques des institutions internationales”, In : Bisilliat, Jeanne (sous la direction de). ''Regards de femmes sur la globalisation. Approches critiques.'' Paris : Karthala. Pp 75-112. | ||
* Fernando J., 1997, Disciplining the Mother : Micro Credit in Bangladesh, Ghadar, Vol. 1. | * Fernando J., 1997, Disciplining the Mother : Micro Credit in Bangladesh, Ghadar, Vol. 1. | ||
Goetz A-M., 1996, Who Takes The Credit: Gender, Power, and Control Over Loan Use in Rural Credit Programs in Bangladesh, ''World Development'', Vol. 27, n° 1, janvier. | * Goetz A-M., 1996, Who Takes The Credit: Gender, Power, and Control Over Loan Use in Rural Credit Programs in Bangladesh, ''World Development'', Vol. 27, n° 1, janvier. | ||
* Hamilton C., 1989, The Irrelevance of economic Liberalization in the Thirld World, ''World Development'', Vol 17, n°10, Oxford, pp 1523-1530. | * Hamilton C., 1989, The Irrelevance of economic Liberalization in the Thirld World, ''World Development'', Vol 17, n°10, Oxford, pp 1523-1530. | ||
* Hirata H., Le Doaré H., 1998, Les paradoxes de la mondialisation, ''Cahiers du Gedisst'', n° 21. | * Hirata H., Le Doaré H., 1998, Les paradoxes de la mondialisation, ''Cahiers du Gedisst'', n° 21. |
Revision as of 15:14, 3 December 2009
Stéphanie Treillet
Maître de conférences en économie à l’IUFM Créteil-Paris 12.
Ce texte constitue la poursuite d’une réflexion entamée notamment dans le cadre d’un séminaire animé par l’auteur dans le cadre du séminaire interinstitutionnel « Développement, Économie, Politique » (MATISSE Paris 1) « La question du genre dans l’économie du développement aujourd’hui » 3 mai 2007.
Depuis environ deux décennies, les institutions financières internationales (IFI), notamment la Banque mondiale, ont infléchi leur discours, mais également l’orientation de leurs projets et parfois de leurs flux financiers, pour prendre en compte la question de la situation des femmes dans les sociétés du Sud. Elles intègrent également la question des conséquences sur elles des Politiques d’ajustement structurel – lesquelles jusqu’alors étaient, comme toutes les politiques économiques antérieures dans les pays en développement (PED), gender-blind ; c’est-à-dire occultaient totalement cette dimensions pour elles inexistante. Désormais, tout a changé, la notion de genre est omniprésente dans tous leurs écrits et leurs élaborations.
Une première lecture de ces évolution peut être de considérer penser qu'il s'agit de la part de ces organisations d'une évolution en surface et avant tout d'une opération de communication pour tenter de restaurer leur légitimité après les remises en cause dont elles ont fait l’objet : les déclarations d'intention ne seraient pas suivies d'effets, et surtout les projets ponctuels ne toucheraient pas le cœur des programmes macro-économiques, orientés vers la libéralisation et l'ouverture maximales des économies. C’est notamment l’interprétation de J. Bisilliat (1998) pour qui cette ineffectivité est inscrite dans les dispositifs institutionnels internes à la Banque mondiale elle-même.
Il est vrai que la question du décalage avec le cadre macro-économique global se pose : Cependant, à s’en tenir à ce diagnostic, on risque de passer à côté de l'essentiel : le fait que cette évolution, si elle n’est pas tout à fait récente, apparaît de plus en plus s’inscrire dans le dispositif d’ensemble des politiques sociales et des politiques de développement plus généralement, dont il importe d’élucider la cohérence. Dans le « nouveau consensus de Washington » que les institutions financières internationales, et notamment la Banque mondiale, élaborent depuis le début des années 1990, la thématique du "genre" constitue une pièce centrale. Il faut donc également comprendre quelle signification instrumentale est conférée à ce terme, bien éloignée du concept initial. Le discours met l'accent sur la corrélation entre amélioration du statut des femmes, développement et sortie de la pauvreté, et sur la nécessité de mettre en place les conditions pour augmenter les possibilités de choix des femmes dans la société : cette thématique entre en résonance avec les revendications et les luttes du mouvement féministe à travers le monde. On va donc être amenée à se demander comment la conception du « choix » présente dans ces développements converge avec les prescriptions contemporaines du néolibéralisme. Dans cette optique, on verra que cette nouvelle doctrine, loin d’être ineffective, a pour fonction de légitimer des restructurations plus globales des économies, notamment des systèmes de protection sociale, des infrastructures de services publics et des marchés du travail.
Une visibilité nouvelle des femmes
Des réflexions sur la situation des femmes prennent de plus en plus d’importance dans les élaborations théoriques et les projets de la Banque mondiale au cours des années 1990, et plus particulièrement après 1995 et la conférence de Beijing. On trouve aujourd’hui un dispositif institutionnel consistant qui trouve sa traduction dans les programmes et les prêts des IFI avec une multitude de projets, soit spécifiquement consacrés à la situation des femmes, soit qui intègrent cette dimension de façon conséquente dans leurs objectifs et moyens : santé (nutrition, protection maternelle et infantile, planning familial), éducation, formation professionnelle, aide à la production et à la « participation économique des femmes », tous les secteurs de l’économie sont concernés par la préoccupation de la Banque mondiale (et des banques régionales de développement) pour la situation des femmes. On observe notamment dans les projets de la Banque mondiale, une augmentation significative en direction de la scolarisation des filles. Mais c’est surtout à partir de 2001 que l’intégration du genre à l’ensemble de la stratégie (« mainstreaming ») devient systématique et aboutit à la mise en place d’un dispositif institutionnel et théorique complet. Le Rapport sur le développement dans le monde (RDM) 2001 de la Banque mondiale, Combattre la pauvreté, qui instaure les Stratégies de réduction de la pauvreté (SRP), renouvelle la conception de la pauvreté développée par les IFI, passant d’une conception monétaire en termes de pauvreté absolue, qui avait fait l’objet de nombreuses critiques (Lautier 2001, Destremau 1998, Cling et al. 2002 a et b) à une conception plus multidimensionnelle ; l'accent y est ainsi mis également sur le lien entre l'inégalité de genre et la pauvreté, dont la définition retenue ne se limite plus désormais au plan économique mais inclut la privation de droits. La même année, le cadre général de l’approche de la Banque mondiale est synthétisé dans un document intitulé Engendering Development through Gender Equality in Rights, Resources and Voices. Un document de janvier 2002, Integrating Gender into the World Bank’s Work résume les principaux points de la stratégie. Un très grand nombre de pages, sur le site internet de la Banque mondiale, en détaillent le contenu (genre et filets de sécurité, genre et développement rural, genre et politiques sociales, etc.)
Cette réalité tranche avec les grandes stratégies de développement et les grands programmes d’industrialisation par substitution d’importation des années 1960 et 1970, qui ont totalement ignoré la situation des femmes. Par exemple, dans la plupart des réformes agraires, (à l’exception partielle de Cuba et du Nicaragua), les titres de propriété étaient distribués au « chef de famille », les femmes n’avaient accès ni au crédit, ni à la formation… Elle tranche également avec ce qu’on appellera ici la première génération des politiques d’ajustement structurel (PAS), dans les années 1980, qui ignoraient totalement le rôle des femmes dans les économies du Tiers-monde, ainsi que les conséquences sur leur situation des mesures mises en œuvre. Ce phénomène était renforcé par la construction même des modèles macro-économiques, qui les sous-tendaient (et qui sont toujours largement en vigueur même si certaines de leurs hypothèses, on le verra, ont du être infléchies) : les principaux agrégats de ces modèles - l'investissement, la consommation la production, l'épargne, pris en bloc - ne sont pas conçues pour pouvoir intégrer les différences de structure dans la société, les classes sociales, le genre, ou tout autre dimension. De plus ces modèles mettent en jeu, des "agents économiques", individus indifférenciés, abstraits et rationnels qui tirent le maximum des contraintes dans lesquelles ils se trouvent confrontés et qui se confrontent sur un marché lui-même abstrait, où ils parviennent à un équilibre des marchés qui figure la situation optimale ; dès lors pour eux, aucun conflit n’est envisageable : le point aveugle va bien au–delà de la question du genre puisqu’il concerne tous les rapports sociaux. Cependant, la réalité sociale, c’est-à-dire en l’occurrence l’oppression patriarcale dans le cadre de la famille, rattrape la construction abstraite, puisque à ce niveau microéconomique, ce ne sont pas la plupart du temps les individus véritables qui sont considérés comme l'unité de base …mais les ménages ! Comme dans la plupart des systèmes de comptabilité nationale, l'idée qu’il puisse y avoir divergence d’intérêt et rapport de force en leur sein n’est pas envisagé. Enfin, d'une façon générale, dans cette première phase de la doctrine de l'ajustement structurel, les raisonnements ne tenaient absolument pas compte du fait que les femmes n’avaient pas la même « dotation en facteurs de production » que les hommes, à savoir comme on l’a vu accès à la terre, au crédit, à la formation…
Ces trous noirs de la théorie ont été critiqués depuis longtemps par des économistes féministes, particulièrement dans les pays anglo-saxons. Depuis le début des années 1990, la Banque mondiale et les autres institutions ont intégré une partie de ces critiques (en les édulcorant afin de les adapter à leurs objectifs), et c’est alors qu’elles ont commencé à infléchir leur discours et à fournir des statistiques sexuées. Cette évolution converge également avec les évolutions des travaux des organisations de Nations-unies, qui avaient commencé à prendre en compte les questions de genre plus tôt, mais qui vont les intégrer dans les thématiques plus générales d’Amartya Sen, qui devient consultant pour le Pnud à cette époque. L’Indicateur sexospécifique du développement humain (ISDH) est ainsi élaboré par le Pnud en 1996. Les théories de Sen (du moins une certaine interprétation de ces théories) déborderont le Pnud pour influencer les institutions de Washington. En effet pour les institutions internationales, cela entre également en cohérence avec une évolution plus globale de la théorie néoclassique, tout en répondant à des impératifs politiques.
Des raisons à la fois théoriques et pratiques
Deux catégories de facteurs, étroitement interdépendants, peuvent être identifiés pour expliquer cette évolution.
Le corpus néoclassique mis en difficulté
La théorie néoclassique a connu au cours des trente dernières années des évolutions importantes. Il n’est pas inutile de faire un rapide détour par ses renouvellements. Ces évolutions, effectuer dans différentes directions, peuvent paraître contradictoires : d’un côté elles l’ont conduite à manifester un impérialisme tout azimuts en essayant d’englober des réalités et des comportements humains jusqu’alors uniquement prise en compte par les sciences humaines avec lesquelles l’économie walrasienne refuse justement le dialogue (sociologie, science politique, voire philosophie), pour les ramener au paradigme du calcul d’individuel d'optimisation sous contrainte. C’est le cas bien sûr du mariage avec la nouvelle économie de la famille de Becker, mais aussi de la politique électorale, de l’éducation scolaire, voire de l’esclavage…. La théorie néoclassique témoigne donc d'une forte assurance et d'un expansionnisme tous azimuts. Elle est pourtant qui apparaît donc fragilisée et obligée de s'adapter. D’un autre côté en effet (mais de façon complémentaire), un certain nombre d’hypothèses fondatrices de la théorie, et notamment les hypothèses qui concernent le contenu de la rationalité et l’indépendance des agents économiques, ont du être révisées. Sur le terrain de la croissance notamment, les nouvelles théories, ou théories de la croissance endogène, apparues dans les années 1980, ont constitué une tentative de réponse du corpus néoclassique à l’impasse où se trouvait la doctrine de la libéralisation totale des marchés. Dans bien des cas les économies des PED ont servi de loupe grossissante à ces apories. Le modèle walrasien standard est déjà en effet à cette époque incapable d'expliquer, à partir de ses hypothèses, pourquoi la croissance ne redémarre pas dans les économies industrialisées où les grands équilibres (budgétaire, commercial) ont été rétablis ; a fortiori pourquoi, dans les économies des PED, le retrait beaucoup plus prononcé de l'Etat et la restauration plus poussée des mécanismes de marché n'assurent pas une augmentation automatique de l'investissement productif privé (Hamilton 1989) ; pourquoi des pays qui ont libéralisé très rapidement et dans tous les secteur (par exemple en Amérique latine) réussissent moins bien que d'autres qui ont longtemps maintenu une intervention de l'Etat, des politiques industrielles actives et des barrières protectionnistes, (notamment en Asie de l'Est) ; pourquoi enfin, on n'observe pas à l'échelle internationale la convergence entre niveau de revenu, de développement, de rémunération que prévoit la théorie, mais au contraire une aggravation continue et cumulative des écarts, à quelques exceptions près. Pour rendre compte de ces phénomènes, les modèles extrêmement sophistiqués et formalisés sont alors élaborés, qui pour mieux sauver l'essentiel renoncent à certaines des hypothèses fondamentales des modèles traditionnels – en premier lieu les rendements décroissants du capital -, de façon à pouvoir expliquer pourquoi certaines économies se développent et pas d'autres, et pourquoi le plus souvent ce fossé va en s'aggravant au lieu de s'atténuer. Ces modèles vont présenter la particularité de réactualiser la notion beaucoup plus ancienne de « défaillance du marché », et de réintroduire dans les facteurs de croissance des aspects traditionnellement ignorés de la théorie standard : le progrès technique, l'éducation et la formation, l'existence d'infrastructures comme les moyens de transports ou de communication… ce qui aboutit à réintroduire dans la bergerie le loup qu'on avait mis beaucoup de soin et d'énergie à chasser, à savoir l'Etat : un état minimal, s'insinuant dans les défaillances du marché, et n'ayant aucun rôle stratégique ni redistributif ; la rationalité qui le guide, on le verra, est la même que pour tous les autres agents économiques : maximiser la rentabilité de son action, même si entre temps comme on l’a vu cette rationalité a été enrichie d’éléments lui permettant de complexifier et de diversifier ses calculs pour ne pas forcément avancer sur un unique chemin tracé d’avance. Mais qu'on le veuille ou non, il faut un minimum d'Etat pour assurer un minimum d'éducation pour toute la population, de formation professionnelle, de recherche fondamentale, d'infrastructure… toutes ces choses qui ne sont pas forcément rentables pour le capital.
Aujourd’hui l’économie des PED semble constituer pour les « intellectuels organiques du capital » que sont les IFI, dans le contexte de la deuxième phase l’ajustement structurel, un laboratoire pour les politiques de libéralisation comme pour la restructuration des sociétés, sur le plan des modalités d’achat de la force de travail comme de la reproduction de celle–ci (notamment via les réformes système de protection sociale). Et à l’intérieur des PED, certaines problématiques ou certains secteurs de la société (en l’occurrence, les femmes, le genre, mais on pourrait dire la même chose de façon plus récente à propos de l’environnement) peuvent être considérés comme des bancs d’essais des évolutions de la doctrine comme des politiques.
La théorie du capital humain est au cœur de toutes ces tendances. Elaborée dès les années 1960, elle a été récupérée et largement diffusée par les nouvelles théories de la croissance. En apparence, elle n’énonce que des lapalissades : que l'éducation et la formation de sa population est un facteur de la croissance et du développement d'un pays … Mais au-delà de cette banalité, il s'agit d'intégrer l'éducation dans le marché total : au niveau micro-économique, elle implique que l’agent aura d’autant plus de droits qu’il se révélera apte, par sa formation, à se saisir des opportunités du marché. Elle conçoit l'éducation, la formation (ou la santé) comme un auto-investissement de l’agent économique dans lui-même conçu comme sa propre petite entreprise, et non comme un droit attaché à son appartenance à la collectivité. Ses capacités, physiques mais aussi intellectuelles – sont une dotation en facteurs de production et un capital au même titre que le capital matériel, technique ou monétaire. Il effectue ses choix en permanence en fonction d'un calcul coûts-avantages, en dehors de tout rapport de force et de toute contrainte autre que la contrainte de budget. Le retour attendu sur cet investissement est un emploi mieux rémunéré mais, plus généralement, l’accès à toutes les opportunités de la vie sociale. Au niveau macro-économique, elle ne consiste pas seulement à affirmer que l’éducation ou la formation de la main-d’œuvre sont des facteurs de développement. Cela pourrait apparaître comme une évidence, même si nombre d’études empiriques ont peiné à corroborer ce lien direct de cause à effet (Lafaye de Micheaux, 2002). Ainsi, l’insuffisance ou la mauvaise répartition du capital humain est considérée comme une des principales causes des cercles vicieux de sous-développement.
Enfin ce dispositif est complété au cours de la décennie 1990 par la diffusion de la grille de lecture néo-institutionnaliste, en termes de droits de propriétés et de coûts de transaction (Coase, Williamson). Le paradigme de la « gouvernance » qui s’impose à la fin de la décennie s’y inscrit clairement.
Les impasses de la première génération de l'ajustement structurel
Ces évolutions de la théorie dominante rencontrent au cours de la décennie 1980 les exigences de la domination sociale et politique. En effet, même les experts les plus dogmatiques ont été contraints d’admettre que les stratégies d'ajustement mises en œuvre dans le Tiers monde au cours de la décennie 1980 avaient échoué, ou plutôt que leurs succès à court terme sur les fronts de l’inflation et du paiement de la dette extérieure avaient creusé des contradictions telles que ces succès mêmes pouvaient à tout moment être remis en question à moyen et long terme. Les PAS ont ainsi été incapables de faire renouer les économies avec un rythme d’investissement productif propre à assurer une croissance régulière, qui à son tour aurait pu leur garantir un minimum de stabilité sociale, une certaine légitimité et la sécurité des capitaux investis. Elles les ont au contraire plongé dans une récession durable, allant de pair avec une aggravation de la pauvreté et des inégalités. Ces experts sont donc préoccupés par :
- la croissance démographique, aspect qui est passé au second plan des préoccupations ces dernières années, en raison du fait que les démographes ont en effet du réviser leurs prédictions les plus catastrophistes.
- des situations d’anomie ou de chaos dans certaines sociétés : résurgences d’épidémies, émeutes, pillages de magasins, guerres civiles, intégrismes religieux, gonflement de l'économie souterraine et criminelle.
- des destructions écologiques tendant à créer localement des situations incontrôlables et irréversibles.
- et surtout l’existence d’une multitude d’associations, d’initiatives populaires de résistance quotidienne à l’ajustement structurel, dans lesquelles les femmes occupent une place centrale, et qu’il importe pour les institutions internationales d’essayer de canaliser et de contrôler.
Le genre au service de l’ajustement
L’objectif affiché : intégrer la dimension de genre dans le mainstream
Le document cadre de 2001 propose une stratégie en trois temps pour promouvoir l’égalité de genre :
- réformer les institutions afin d’établir des droits et des opportunités égaux pour les femmes et les hommes ;
- mettre l’accent sur le développement économique pour renforcer les incitations par des ressources et une participation plus égales ;
- prendre des mesures actives pour redresser les disparités persistantes dans le contrôle des ressources et de la voix politique.
Depuis cette date, l’axe central de la stratégie est le mainstreaming, terme difficilement traduisible qui signifie l’objectif d’intégrer la dimension de genre à toutes les actions et les élaborations de l’institution (par opposition à une action qui serait uniquement spécifique), enregistrant ainsi le caractère transversal à tous les aspects de la vie sociale des discriminations qui pèsent sur les femmes. La nécessité d’une libre circulation de tous les facteurs de production et de la mise en place des conditions d’une productivité maximale de ces derniers est affirmée. Celles-ci ne peuvent être atteintes que par la mobilisation de toutes les ressources. « Les recherches et l’expérience ont montré que l’égalité des genres était essentielle à un développement effectif. Pour que les pays croissent et prospèrent, toutes les ressources humaines doivent être maximisées. Si on ne s’en préoccupe pas, les disparités de genre autrement mineraient des programmes et des politiques bien conçues » (Long, 2003).
Le sens de cette évolution : vers un nouveau Consensus de Washington
En effet sur la base de l’évolution d’ensemble de la théorie néoclassique, et compte tenu des difficultés spécifiques que le consensus de Washington rencontre dans les PED, on assisterà partir du début de la décennie 1990 à des transformations de celui-ci, au point que certains ont pu parler de post-Consensus de Washington, ou nouveau Consensus de Washington. (Ben Hammouda 1999, Assidon 2000, Stiglitz 1999) Cette évolution s’est effectuée en plusieurs étapes et autour de plusieurs axes étroitement imbriqués : la centralité du capital humain – la logique de ciblage – l’approche des droits de propriété – la gouvernance. Le genre tel que le comprend la Banque mondiale joue un rôle stratégique dans ce dispositif
La théorie du capital humain
Les femmes ont un rôle central à jouer dans le développement. Mais la conception de ce rôle en fait avant tout une ressource, un investissement rentable, un facteur de production susceptible d’agir simultanément sur plusieurs terrains (la production de marchandises dont la reproduction de la force de travail) et à cet égard susceptible d’améliorations. De ce fait, les discriminations multiformes qu'elles subissent sont considérées comme sources d’inefficacité sur le marché, et comme des entraves à leur productivité, aussi bien dans l'espace domestique que sur le marché du travail. Mais elles sont en premier lieu envisagées comme des éducatrices, des productrices de capital humain (le leur propre et celui de leur famille)
Le paradigme du capital humain, on l’a mentionné, est au cœur du dispositif. La jonction entre les dimensions micro et macro-économiques de ce paradigme se retrouve par exemple dans l’analyse par la Banque interaméricaine de développement (BID) en 1999 des inégalités de revenus en Amérique latine, plusieurs années avant que le RDM de la Banque mondiale en 2006 mette en avant son analyse en terme de trappes à inégalités (Treillet 1999). Ce rapport met en effet en avant l’idée que l'éducation et la famille sont les deux canaux à travers lesquels inégalités se perpétuent (les inégalités structurelles comme la concentration foncière et les inégalités de patrimoine étant laissées au second plan). L’ampleur et la persistance spécifiques des inégalités de revenus sur le continent y sont attribuées presque exclusivement aux différences de rendement de la formation scolaire. Les agents ayant pu acquérir une formation supérieure ont accès à un revenu plus élevé que ceux qui n’ont qu’un niveau primaire ou secondaire. Ces inégalités se reproduisent de génération en génération, pesant sur les incitations des familles à scolariser leurs enfants et, corrélativement, des femmes à se présenter sur le marché du travail. La voie proposée, pour atténuer à l’avenir ces inégalités, est d’étendre la scolarisation primaire et secondaire. Toutefois les mécanismes proposés ne relèvent pas d’une problématique d’universalisation du droit à la scolarité (par l’obligation et la gratuité comme cela s’est fait historiquement dans d’autres parties du monde, en Corée du Sud par exemple) mais d’un meilleur fonctionnement du marché scolaire. Le rendement attendu par les familles d’une scolarisation de leurs enfants doit s’améliorer (afin de surpasser le rendement de leur travail domestique ou productif, dans le cadre d’un calcul coûts-avantages) et donc la qualité du système scolaire doit s’améliorer. Cela passe, pour la BID, par une libéralisation d’ensemble du système, conforme à la plupart des réformes éducatives entreprises en Amérique latine. E. Mulot (2001a, p. 68) étudie la réforme éducative au Guatemala à la fin des années 1990, qui peut être considérée comme représentative de l’ensemble du continent. Cette réforme s’est donné pour objectif l’universalisation de l’accès aux trois premières années de primaire. Elle « condense toutes les vertus décrites par les organisations multilatérales : alliance entre l’ensemble des acteurs concernés (Etat, acteurs privés, financeurs, bénéficiaires), participation des intéressés, cofinancement… Les autorités administratives cherchent un acteur privé intéressé par la fourniture du service dans la zone demandeuse, qui sera de préférence une association, une fondation d’entreprise, mais aussi un fonds social, une entreprise privée ou une municipalité. Le système de sous-traitance est ici fidèlement appliqué ». Le rapport de la BID conclut que le système scolaire en Amérique latine n’atténue pas les inégalités sociales mais au contraire les renforce. Les rendements de l'éducation, en terme de revenu, y sont relativement bas dans le primaire et le secondaire, ce qui constitue pour les plus pauvres une faible incitation à poursuivre, à fortiori à la campagne et pour les filles, alors que les rendements de l’éducation supérieure sont proportionnellement élevés. Enfin ce phénomène est renforcé par la qualité de l’enseignement public seul accessible aux plus pauvres, particulièrement à la campagne, qui est particulièrement faible ; cette carence est attribuée à une excessive centralisation du secteur public. Les mécanismes générateurs et reproducteurs d’inégalités sont à chercher dans l’interaction entre ces différences éducatives et les choix effectués par les familles. Leurs décisions quant au nombre d’enfants qu’elles ont, à la durée de leurs études, à l'activité rémunérée des femmes, dépendent des prix relatifs des facteurs sur les différents marchés (eux-mêmes liés à leur rareté ou abondance relative) et du rapport coût-bénéfice de ces différentes options. Ainsi, si le taux d’activité des femmes a augmenté partout depuis vingt ans, le niveau d’éducation, combiné avec le niveau de revenu, est considéré comme le facteur le plus important de cette activité, et celui qui fait la différence entre participation au secteur formel ou au secteur informel, où les possibilités de gains sont moindres. Un cercle vertueux peut être ensuite identifié entre niveau d’études élevé, opportunité d’activité dans le secteur formel, faible nombre d’enfant et durée plus grande de leur scolarisation, et revenu global plus élevé pour la famille. Par hypothèse il n’y a pas de chômage ou de déclassement des diplômés, et le rendement des études en termes de diplômes est assimilé à leur rendement monétaire. La situation et le statut des femmes se trouve au cœur de ces interactions par différents mécanismes.
Cette cohérence globale dans l’analyse des inégalités se retrouve dans le RDM de 2006 « Inégalités et développement » (qui marque une nouvelle évolution dans l’élaboration de la Banque mondiale en ce qu’il fait le lien explicitement pour la première fois entre pauvreté et inégalités) applique une grille d’analyse en terme de trappe à inégalités qu’on pourrait aussi appeler cercle vicieux des inégalités), visant à repérer les comportements - parfois rationnels – et les interactions entre le agents économiques qui aboutissent à perpétuer de façon intra et intergénérationnelle les situations d’inégalité et de pauvreté. Les défaillances du marché « font que les différences de situation de départ (ethnie, genre, etc.) rendent l’investissement moins efficient » ; dans cette optique, le genre constitue « l’ archétype de la trappe à inégalité ». L’imbrication des interactions est en effet ainsi résumée : « L’inégalité de genre est ainsi le résultat d’un réseau d’inégalités sociales, économiques, culturelles et politiques qui se renforcent mutuellement. Elles sont la cause d’un accès réduit des femme aux droits de propriété, à la richesse, à l’éducation, - et limitent leur accès aux marchés du travail et aux sphères d’activité en dehors de la maison. Ce qui, en retour, contraint leur capacité à influencer les décisions du ménage. Les asymétries d’information dans le ménage limitent également cette influence, ainsi que l'usage de la violence pour contrôle le comportement des femmes. Tout cela contribue à maintenir une démarcation claire entre les rôles des hommes et des femmes, reproduits à travers les générations. » (p 54). Le rapport constate que l’intervention de l’Etat peut agir sur ces interactions négatives et contribuer à briser les cercles vicieux. Toute la question est précisément de savoir dans quel sens va être redéfinie cette intervention, et notamment les politiques sociales.
De la déréglementation des marchés au ciblage des politiques sociales
Dans un premier temps, la première phase de l’ajustement structurel a connu une adaptation. Afin de conférer une « dimension sociale » à l’ajustement, (la notion d’ajustement à visage humain apparaissant dans les institutions internationales en 1987), ont été mis en place des dispositifs de « lutte contre la pauvreté », reposant sur une distinction entre les « extrêmement pauvres » ou « indigents » et les « pauvres ». Entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, c’est l’instauration de « filets de sécurité » destinés à assurer la survie minimale des premiers. On peut citer l'exemple du Pronasol au Mexique, suivi depuis de Progresa. Ces actions ont progressivement constitué la doctrine du « ciblage » : ne consacrer les ressources publiques qu’à ceux qui en ont vraiment besoin. Parmi les groupes cibles figuraient – et figurent toujours - les femmes pauvres, particulièrement les femmes « chefs de familles ».
Cette doctrine du « ciblage » a depuis été systématisée : elle fonde toute la conception des rapports entre le secteur public et le secteur privé mise en avant aujourd’hui. L’action de l’Etat est censée devenir plus efficace mais moins étendue (thématique du « moins mais mieux », en ce qui concerne à la fois la fourniture des services, les politiques sociales et la réglementation du marché du travail. Le rapport de la BID constate que les différences de revenus du travail entre les femmes et les hommes, et le fait qu’elles sont bien davantage cantonnées au secteur informel. La cause en est attribuée non seulement au manque de souplesse des horaires et à la valorisation de la continuité de la carrière dans le secteur formel, ce qui défavorise les femmes compte tenu des charges familiales qui pèsent exclusivement sur elles, mais aussi plus globalement aux « rigidités » du marché du travail, c’est à dire à la législation du travail existant dans les pays d’Amérique latine, instaurant un salaire minimum et limitant, entre autres, le recours au temps partiel ou au travail temporaire ; cette réglementation est rendue responsable plus globalement de la segmentation de la main d’œuvre et des discriminations à l'œuvre entre les différents groupes de la population. Dès lors, une flexibilité plus grande offrirait des opportunités accrues aux femmes. Plus généralement les agents économiques doivent être mis en situation de pouvoir exploiter un champ d’opportunités plus vaste. Ainsi, l'accent est mis sur le mécanisme central devant permettre d’enclencher un cercle vertueux en favorisant le choix de familles plus restreintes et mieux éduquées. L'augmentation de l'activité des femmes est comme on l’a vu un facteur essentiel, à la fois pour améliorer les revenus des ménages et leur distribution intrafamiliale, à court terme, et pour augmenter l’investissement (sanitaire, éducatif) réalisé dans des enfants moins nombreux, à moyen terme. Cela suppose la mise en place d’infrastructures et de services : transports urbains, accès à l'eau courante, à l’électricité, garderies d’enfants (pour lesquelles il est préconisé une grande flexibilité des structures, censée fournir un plus grand éventail de choix, à moindre coût, et un soutien aux activités informelles), services de santé préventive et de planning familial. Il s’agit en effet à la fois d’augmenter la productivité du travail domestique (dont la répartition sexuelle et sociale n’est pas ici mise en cause) et de modifier les calculs de coûts d‘opportunité de l‘accès au marché du travail des femmes appartenant aux ménages les plus pauvres. Le rôle critique de l'éducation des filles est mis en avant. Dans la mesure où l’amélioration de l'éducation est placée au centre du dispositif, elle doit passer par une action à la fois sur la demande et sur l'offre, en améliorant la qualité de l'éducation et en généralisant la scolarisation dans le secondaire, de façon à peser sur le calcul coûts-bénéfices qui influence les comportements des famille ; du côté de la demande, il s’agit d’améliorer les rendements prévisibles des études en termes de revenus, d’augmenter les incitations à la scolarisation longue des enfants en direction des familles en diminuant les coûts, à la fois financiers et d’opportunité (subventions aux livres, à la nourriture, au transport) ; du côté de l'offre, une amélioration de la qualité est attendue de réformes institutionnelles, d’une augmentation de l'autonomie des établissements, d’une modification des statuts des enseignants (renforçant la sanction des performance individuelles, rendant possible une rémunération au mérite) et d’un rôle accru du secteur privé dans le système éducatif. En ce qui concerne les politiques d’emploi, le constat est fait que les objectifs qui leur ont été attribués - protection des travailleurs, garantie de la stabilité de l'emploi, augmentation de la part des salaires dans la valeur ajoutée, préférée à une redistribution des revenus entre les travailleurs - ont pour eu des effets pervers aboutissant à l’exclusion du secteur formel d’une grande partie de la population active. Il y aurait conflit entre ces objectifs et une meilleure distribution du revenu. Cette analyse est faite sur la base du postulat que l’existence de codes du travail (réglementant en particulier le conditions d’embauche, de licenciements, les horaires) augmente le niveau d’activité informelle et les inégalités salariales, à l'avantage des salariés les plus qualifiés, déjà mieux placés dans l'échelle des rémunérations ; le système de protection sociale ne protège qu’une partie des salariés du secteur formel, allant même, dans le cas du système de retraite, dans un sens régressif puisqu’il ne situe dans la continuité de la hiérarchie salariale antérieure. ; le salaire minimum, trop élevé, ne garantit pas le revenu des plus pauvres, même si, selon les auteurs (comme selon la quasi-totalité des études empiriques effectuées sur ce sujet), les résultats de différentes corrélations effectuées entre salaire minimum et chômage ne sont pas concluants ; enfin la législation de protection de la maternité, comme d’autres formes de protections légales (interdiction du travail de nuit par exemple) constitue un biais à l'encontre de l'embauche des femmes. Les réformes préconisées se placent dans la continuité de ce que plusieurs pays ont déjà effectué depuis une dizaine d’années : réformer les contrats de travail dans le sens d’une plus grande flexibilité, étatiser la protection de la maternité pour ne pas en faire supporter le coût par les entreprises ; introduire des systèmes d’épargne volontaire dans l'assurance–chômage, en complétant par une assistance étatique orientée vers les plus pauvres ; introduire la retraite par capitalisation et les fonds de pension ; instaurer un salaire minimum inférieur pour les jeunes.
Tout ce dispositif est cohérent avec la doctrine du ciblage, dont on a vu qu’elle s’est affirmée durant la décennie 1990. Elle est par exemple résumée dans un tableau qui dans le RDM de 2004 recense tous les obstacles, du côté de l’offre comme du côté de la demande, dans l’accès aux services des plus pauvres. L'Etat doit cesser de procéder à des dépenses sociales (de santé, d’éducation) « indiscriminées », à vocation universelle, car ce type de dépenses ne profite pas à ceux qui en ont besoin. Le bénéfice en est capté par les catégories sociales urbaines, moyennes ou aisées, (et tous les salariés sont rangés dans cette catégorie) qui pourraient payer. La Banque mondiale considère tous ceux qui ont un emploi et salarié, formel et à peu près stable (a fortiori dans le secteur public), comme privilégiés. D'une façon plus générale, toutes les tentatives que pourrait mener l'Etat pour effectuer une action redistributrice à visée générale ne pourraient qu'avoir des effets pervers et défavoriser les plus pauvres. Il est donc préférable dans cette conception de privatiser ou d’ouvrir à concurrence les services dont les plus aisés ou les classes moyennes bénéficient (l’enseignement supérieur et même secondaire, les hôpitaux), de les rendre payants ou d'augmenter leur prix, et de concentrer l’intervention de l'Etat sur les services de base (enseignement primaire, soins de base…). Même chose pour les infrastructures (eau, électricité, logement…). Partout où elle a été appliquée, cette politique a eu pour effet d'exclure une grande partie de la population, en premier lieu ceux qui étaient juste au-dessus de la « ligne de pauvreté », mais également souvent les « pauvres » répertoriés, de l'accès à ces services. Le RDM de 2004 reconnaît d’ailleurs, dans une comparaison entre les réussites du Kerala relativement aux carences de l'Uttar Pradesh (en ce qui concerne la scolarisation, l'égalité hommes-femmes et le développement humain en général), que le caractère universel des services publics (éducation, santé) mis en place par les premier gouvernements de l’état après l’indépendance a probablement beaucoup fait pour poser les bases des relatives réussites ultérieures – ce qui va à l’encontre de la doctrine développée partout ailleurs. Ainsi le rôle de l'Etat reste subordonné à la logique du marché entre en tant que principe l’allocation des ressources et des facteurs de production. Les prêts et les actions de la Banque mondiale accordent sont tous dirigés en direction du secteur privé, dont l’épanouissement est explicitement posé comme la clef des progrès dans le développement. Il est considéré par principe comme plus efficace que l'Etat. Si les services, comme le système scolaire, sont de mauvaise qualité, c’est parce que l'Etat y est encore trop présent. Leur ouverture à la concurrence, l’extension à ce qui reste public des normes de fonctionnement du privé (autonomie des établissements, rémunération au mérite, limitation du rôle des syndicats…) garantira une amélioration de la qualité. C’est, encore une fois, dans ce contexte qu’il faut replacer les réformes ayant aboutit au cours des dernières années à la décentralisation des systèmes éducatifs et à leur dévolution au privé, via parfois des association ou des ONG (Mulot), même si concrètement l’amélioration du statut des femmes qui en résulterait n’est pas évidente (cas de licenciements d’enseignantes enceintes). Il en est de même pour les conséquences de l’extension du temps partiel et des réformes augmentant la flexibilité sur les marchés du travail.
Des droits dérivés du marché
L’arrière-plan de cette conception des politiques sociales et des politiques de l’emploi est une conception des droits humains et des droits sociaux qui, refusant par principe tout fondement universel, prend comme ancrage une grille d’analyse fondée sur les droits de propriété et l’accès aux droits sociaux voire politiques par le marché. En effet les plus pauvres et les plus vulnérables doivent en effet bénéficier de filets de sécurité et de prestations ciblées. A noter toutefois que pour la fourniture de ces prestations, une double conditionnalité s’est peu à peu constituée au fil des ans : conditionnalité ayant tarit à la situation (par exemple femmes « chef de famille ») mais aussi conditionnalité ayant trait au comportement, comme la scolarisation ou le suivi sanitaire des enfants, CEPALC 2004). En revanche la majorité de la population doit pouvoir élargir le champ de ses opportunités par une activité productive rémunératrice, dont l’accès à des prestations sociales ou des services publics n’est que la contrepartie. Ce raisonnement en termes de droits de propriété (entitlements) s’applique, dans le cas des femmes, à la terre (droit à des titres de propriétés, sachant que la Banque mondiale promeut des « réformes agraires assistées par le marché »), mais aussi droit à la mobilité (sortir de la maison, travailler, se soigner sans l’autorisation du mari), droit à la sécurité physique, droit à l’héritage, droit d’accès à des infrastructures (eau courante de façon à gagner du temps productif), etc. ; Le droit au crédit est bien sûr central dans cette approche, avec le rôle dévolu au micro-crédit dans les SRP. Depuis plusieurs années, les institutions internationales fondent de grands espoirs sur le développement du micro-crédit, pour deux raisons essentiellement. Primo, en permettant l’accès au crédit à ceux qui sont habituellement exclus par les institutions financières, les institutions de micro-crédit contribueraient à remédier aux imperfections et au cloisonnement des systèmes financiers dans les PED, responsables de la mauvaise allocation des ressources. Secundo, s’adressant très majoritairement aux femmes pauvres, le micro-crédit leur permettrait de mener à bien une activité productive (artisanat, commerce, petit élevage…) et, en accédant à un revenu personnel, d’améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille, tout en gagnant une certaine autonomie par rapport à leur famille et mari (notion d'empowerment). L’encouragement du micro-crédit par la Banque mondiale relève d’une logique de stimulation d’une croissance économique incluant les plus pauvres. Or celle-ci passe par l’extension aux pauvres des droits de propriété, censés permettre leur sortie de la pauvreté. « Il est essentiel de mettre en place un véritable Etat de Droit, où les droits de propriété sont légalement reconnus, pour permettre à l'économie informelle de s'insérer dans l'économie formelle » (Lison, 2002). L’accès aux opportunités du marché fonde les droits individuels, mais en retour un seuil minimum de ceux-ci est une condition pour l’accès à ces opportunités du marché : il s’agit d’une autofécondation réciproque des droits individuels et du renforcement de l’accès au marché. Or, selon plusieurs approches critiques, cette promotion du micro-crédit doit être mise en corrélation avec les stratégies d’ajustement structurel et l’incitation au retrait de l’Etat de la part des institutions internationales. D’après Fernando (1997), « Ces processus mettent en connexion des modes d’accumulation aux niveaux local, national et international à travers la privatisation des inputs agricoles, le retrait des subventions gouvernementales aux produits de base. Cela montre comment le micro-crédit, comme approche du développement favorable au marché, a coïncidé avec la tendance globale à la diminution du rôle de l’Etat dans le développement économique, les soins de santé de base, l’éducation et la protection sociale ». De plus, au niveau microéconomique, rien ne garantit que le micro-crédit fonde un véritable renforcement de pouvoir des femmes dans la société. Les pressions exercées sur elles pour s’assurer du remboursement des prêts tendent parfois à renforcer les relations hiérarchiques existantes dans les communautés, fondée sur les castes, ethnies, genre. Plusieurs études montrent par ailleurs que le contrôle du revenu ainsi généré échappe parfois aux femmes à l’intérieur de leurs familles ou de leurs communautés, au profit de leurs maris ou des hommes de leur famille. Ce phénomène peut se trouver accru par le caractère informel des relations économiques marchandes ainsi renforcées (Goetz, 1996 ; Gibbons, 1995). Enfin, compte-tenu de la taille extrêmement faible, de la grande vulnérabilité des entreprises ainsi créées, et du surplus économique infime dégagé, dans un contexte de sous-emploi chronique, l’extension du micro-crédit constitue un aspect de l’extension du secteur informel, lui-même encouragé par la Banque mondiale. Dès lors, cet accès accru des pauvres au marché contribue-t-il en tant que tel à renforcer les droits des plus pauvres, ou risque-t-il de les fragiliser, notamment les droits sociaux (protection sociale, accès aux services publics) ? Il est significatif que cette conception des droits semble converger avec une lecture libérale de deux notions mises en avant par A. Sen (dans la mesure où par ailleurs la diffusion massive des théories de Sen depuis une dizaine d’années à largement contribué à l’évolution de la conception de la pauvreté dans les IFI). Même si on peut penser que les concepts de Sen sont en eux-mêmes porteurs d’une dimension fortement individualiste (Prévost 2004), sur les notions d’empowerment des femmes et de capabilities, récupérées par la Banque mondiale, se greffe l’approche en termes de droits de propriété. Il s'agit pour les pauvres de renforcer leur pouvoir. Pouvoir sur quoi, sur qui ? Il ne s'agit bien pas ici d'une prise de pouvoir collective par les populations opprimées du tiers-monde, mais d'un renforcement de la capacité de réussite individuelle de quelques uns, par un accès amélioré au marché.
La gouvernance, le développement participatif, la société civile
La dernière pièce à l’édifice a trait en effet à toute ce qui concerne le pouvoir, les institutions, le politique. La thématique du "développement participatif", avec le recours à la « société civile » (Treillet 2005) est en effet un autre grand axe de cette doctrine : récupérer ou promouvoir l'activité des ONG, mais aussi des associations de terrain, des comités de quartier de voisinage, etc. – le tout baptisé «société civile » - (dans lesquels on trouve un grand nombre de femmes et qui assurent à bon compte une grande partie des tâches sanitaires, éducatives, etc. ) que l'Etat n’assure plus. Le bénéfice pour les IFI en charge de l’ajustement et pour les gouvernements est multiple : éviter l'explosion sociale en limitant la pauvreté extrême et en tentant de créer un consensus autour des programmes d'ajustement structurel, au lieu de les imposer par la force (le thème de l’appropriabilité ayant fait partie des principes des SRP). Par ailleurs, cette référence à la société civile et aux ONG est constitutive des principes de la « gouvernance », mot-valise apparu depuis le début des années 2000 et qui désigne à la fois une politique économique « dépolitisée », renvoyée à des choix techniques selon le principe d’ancrage et de crédibilité conforme à la théorie des anticipations rationnelles (et qui se concrétise par exemple dans l’indépendance de la BCE), et un ensemble d’objectifs de transparence, d’absence de corruption de bon fonctionnement et de stabilité des institutions. En ce sens, la promotion de la gouvernance peut être considérée comme un concept qui résorbe le hiatus constaté en apparence entre les projets sectoriels (qui intègrent le genre ou d’autres dimensions "sociales") et les politiques macro-économiques inchangées. , ,
Une instrumentalisation des femmes et de la thématique du genre
Par ailleurs, l'activité productive qui est envisagée pour les femmes n'est pas obligatoirement (et même pas prioritairement) salariée : la Banque mondiale a prôné à plusieurs reprises l'encouragement au secteur informel, considéré comme la réaction de l'initiative privée cherchant à contourner des réglementations et à une fiscalité excessives ; de même, elle promeut activement le micro-crédit, principalement celui de type Grameen Bank, assimilant un dispositif qui pour des individu(e)s peut représenter une sortie partielle et limitée de la pauvreté, à une solution d'ensemble pour le développement.
Ainsi, pour toutes ces raisons, les femmes ont un rôle central à jouer dans le développement. Mais ce rôle est inséparable d’une logique instrumentale, dans laquelle elles sont avant tout considérées comme une ressource, un investissement rentable. D’une part parce que les discriminations multiformes qu'elles subissent sont considérées comme sources d’inefficacité sur le marché, et comme des entraves à leur productivité, aussi bien dans l'espace domestique que sur le marché du travail. Ainsi dans le RDM de 2006, la violence domestique est qualifiée de « source d’inefficience ». Les avancées recherchées dans les droits des femmes sont donc rarement vues comme des objectifs en soi, et sont le plus souvent subordonnées à des objectifs économiques. Le cœur de l’analyse reste les réformes économiques et l’inscription dans la globalisation, quelles que soit les contradictions ainsi ouvertes : la déréglementation et la privatisation des services publics vont en effet comme on l’a vu à l’encontre des objectifs officiellement poursuivis, particulièrement en ce qui concerne les femmes.
D’une part sur le terrain, la mobilisation croissante du salariat féminin par les filiales de firmes multinationales a des effets contradictoires qui répondent aux ambivalences de ce discours. Comme l’analyse une anthropologue ayant effectué une étude de terrain dans les maquiladoras du Yucatan « Il n’est pas étonnant que l’Etat international formé principalement par la Banque mondiale et le FMI (Connel 1996) se soit fait le leader des approches “genre et développement”. (Labrecque, 2000). Ce n’est pas tant le signe de son progressisme mais celui d’une préoccupation pour aménager de façon plus rentable des rapports sociaux tellement inégaux qu’ils finissent par être contre-productifs. On a en effet besoin de main-d’œuvre féminine ». Or son étude lui montre que cet appel à la main-d’œuvre féminine se fait bien souvent « contre la résistance des hommes ».On observe ainsi des « paradoxes de la mondialisation ». Pour H. Hirata et H. Le Doaré (1998), la mondialisation suscite de « nouvelles opportunités et nouvelles expériences, mais aussi l’émergence de facteurs porteurs de risques et de problèmes. Ce caractère contradictoire de l’impact des mutations productives actuelles sur le travail féminin semble un des traits communs à un grand nombre de régions du monde ».
D’autre part les femmes avant tout considérées comme des éducatrices, productrices de capital humain. Leurs droits individuels si importants soient-ils restent subordonnés à leur rôle familial. Cette subordination peut revêtir plusieurs dimensions. Dans un premier temps, le ménage a souvent constitué l’unité première de la plupart des enquêtes réalisées par les institutions internationales sur le niveau de vie ou les inégalités. Par la suite, certaines études ont montré que ce choix était générateur de biais, car il suppose l’existence pour l’ensemble de l’unité familiale d’une fonction d’utilité maximisable, dont l’existence apparaît contestable. A l’opposé, des conflits d’intérêt et des comportements de consommation différents entre l’homme et la femme dans un couple (consommation individualiste pour l’un, achats de biens de consommation susceptibles d’améliorer le bien-être de l’ensemble du ménage notamment des enfants pour l’autre) aboutissent à des résultats en termes de bien-être, parfois autres de ceux qui pouvaient être attendus des incitations du marché. Ainsi, Warner et Campbell (2000) ont pu observer qu’en Tanzanie, si le prix relatif des produits agricoles d’exportation augmente par rapport à celui des cultures de subsistance, c’est le mari qui en tirera un supplément de revenu, qui ne profitera pas à l’ensemble de la famille. De surcroît, si les femmes sont contraintes de distraire de leur temps de travail consacré aux cultures de subsistances pour le consacrer aux cultures d’exportations, cela se traduira par une perte de bien-être pour l’ensemble des familles. Le RDM de 2004, note que « les investissements dans le capital humain que constituent les enfants dépendent de l’allocation du pouvoir au sein des ménages ; les familles où le pouvoir de femmes est le plus fort ont tendance à investir davantage dans la santé et l’éducation ». p 34. Cette approche fonde une conception où les droits des femmes sont prônés non pour eux-mêmes mais en fonction du mieux-être de la famille qu’ils sont censés garantir. En continuité avec le rôle central accordé à la notion de capital humain, les femmes sont vues d’abord comme éducatrices. De plus, leur rôle communautaire, lui-même considéré on l’a vu comme central dans le paradigme des SRP, est conçu comme un prolongement de leur rôle familial. De même, le postulat maintenu de complémentarité des rôles envisage un allégement de leurs tâches domestiques ou éducatives grâce à une meilleure infrastructure, mais non une remise en cause de la division sexuée des rôles sociaux. Ainsi l’insistance est mise particulièrement sur l’incitation au temps partiel. Celui-ci est en effet considéré comme devant supprimer une partie des obstacles à l’activité féminine, alors qu’il a pour effet de conforter la division traditionnelle des rôles, comme on a pu l’observer dans les pays industrialisés. Le principe de non-ingérence dans la politique intérieure des Etats, évoqué plus haut, se double d’un argument de respect des cultures quand il est question des droits des femmes4. Selon C. Long (2003), « A l’intérieur du paradigme économique de la Banque, l’égalité des genres est promue en premier lieu à travers un argument d’efficience économique à savoir que prêter attention aux questions de genre est important pour le développement de meilleurs projets et politiques pour atteindre la croissance économique et réduire la pauvreté. Une approche philosophique différente -à laquelle les féministes à travers le monde adhèrent- est que les femmes ont le droit à l’égalité, et qu’elles devraient être assistées dans la défense de leurs droits vis-à-vis de leurs familles et maris, communautés, gouvernements locaux et Etats. Beaucoup à la Banque ne soutiennent pas ce second argument parce qu’il implique que les droits des femmes sont des droits humains. Les Articles de l’Accord qu’établit la Banque spécifie que l’organisation ne doit pas s’engager en politique. Historiquement, la Banque n’a pas pris position sur des sujets concernant les droits de l’homme mais sous la pression de groupes de la société civile et d’organisations des Nations-unies, elle commence à les prendre en considération dans son approche. La Banque est sensible à l’accusation potentielle de gouvernements débiteurs qui est qu’en promouvant les droits des femmes elle impose des idées inappropriées culturellement pour eux. Il n’y a donc pas de cadre à l’intérieur duquel porter le sujet des droits des femmes comme un objectif de l’organisation ».
Conclusion : des contradictions importantes et non résolues
Toute tentative de récupération est révélatrice d'un rapport de force : on ne tente de récupérer que ce qui paraît menaçant ou subversif. En ce sens, la tentative de récupération – et de dénaturation - par les institutions internationales de la problématique de genre est révélatrice du fait que celle-ci est devenue incontournable dans la question du développement aussi bien en théorie qu'en pratique. Un premier bénéfice, et non des moindres, de cet état de fait, est l'avènement d'une visibilité, y compris statistique, de la situation et du travail des femmes au niveau international. L'existence d'une grande masse de données sexuées est évidemment un progrès, en dépit des limites inhérentes aux indicateurs.
On se trouve donc en face d'un phénomène contradictoire. Les institutions internationales cherchent à concilier plusieurs exigences qui sont à terme incompatibles : d'un côté, le besoin de rationaliser les économies, de les rendre plus productives et efficaces, ce qui suppose de faire disparaître les formes de violence et d'oppression les plus criantes, d'étendre partiellement l'autonomie et la liberté de choix des individu-e-s, et de faire en sorte que le maximum d'entre eux-elles soient à même d'exercer une activité productive ; d'un autre côté, le risque, si cela va trop loin, de laisser cette extension de la marge de choix se transformer en une véritable émancipation, à la fois individuelle et collective, incompatible avec la mondialisation libérale.
Cette contradiction n’est que la traduction idéologique de la contradiction fondamentale dans laquelle sont prises les IFI, en tant qu’instruments agissants de l’expansion des rapports de production capitalistes à l’ère de la mondialisation néo-libérale. Dans le cadre du capitalisme l’oppression des femmes se transforme aussi selon les étapes de celui-ci, avec là encoreune constante, qui est le caractère intrinsèquement contradictoire de la relation entre les deux termes : d’un côté le capitalisme a besoin de l’institution familiale sous ses différentes formes et plus généralement de l’ordre social et sexué qu’elle garantit pour assurer la reproduction gratuite de la force de travail ; d’un autre côté le capitalisme a besoin de disposer d’uen force de travail libre de se vendre, dans tous les sens du terme, et donc l’incorporation massive des femmes dans la force de travail salariée déstabilise en permanence cette même institution familiale et les conditions sociales de la reproduction de l’oppression. C’est ainsi que le capitalisme est en permanence sur le fil du rasoir et se met lui-même sans cesse en danger, en reproduisant mais aussi en fragilisant en permanence ce dont il a le plus besoin.
Cette contradiction est pour nous, pour les mouvements sociaux, pour les féministes, pour ceux et celles qui s'opposent à la mondialisation capitaliste, un point d'appui, et il faut travailler à l'approfondir. Il ne s'agit pas d'accompagner ces institutions dans un projet de soi-disant "modernisation" de la société, qui n'est qu'un paravent pour masquer davantage de libéralisation. Cela implique d'être conscient-e-s des dangers :
- la premier est celui de la récupération - idéologique, institutionnelle ou financière - qui peut être d'autant plus insidieuse que certains projets sont assortis, comme on l'a vu, d'une dimension "participative". En ce sens, l’enjeu permanente pour les mouvements sociaux et notamment pour les mouvements féministes dans les PED est de parvenir à exister en préservant leur indépendance (la tendance à l'ONGisation d’une partie des mouvements de femmes en Amérique latine par exemple est largement documentée, Falquet 2003). A cet égard, la défense de leur indépendance, que ce soit par rapport aux gouvernements ou aux institutions internationales, est une nécessité pour tous les mouvements sociaux, au Nord comme au Sud.
- le deuxième est celui d'une diversion et d'une division des mouvements sociaux : les discours des institutions internationales sur la liberté de choix, notamment reproductive, peuvent être présentés, par ceux qui au Sud y ont intérêt, comme un nouvel avatar de l'impérialisme ou du néocolonialisme, et nourrir en retour les rhétoriques identitaires. Tout discours d'émancipation risque alors d'être assimilé à une entreprise "d'occidentalisation". D'où la nécessaire convergence des luttes pour l'affirmation et l'application de droits universels.
Pour éviter ces pièges il est essentiel de connaître et de démonter les mécanismes du "nouveau consensus de Washington " dont les femmes constituent un élément central. Ce dispositif constitue en effet une construction abstraite en mettant en avant la réaction des individus à leur environnement, abstraction faite de tout rapport de force social et de toute dimension d'oppression. . Le terme d’ "équité", abondamment ressassé, a précisément pour fonction de ne pas parler de lutte véritable contre les inégalités. A aucun moment bien sûr il n’est question de remettre en cause de la division sexuelle du travail, qui fait des femmes les responsables principales ou uniques des enfants et des tâches domestiques.
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